Du primaire à l’enseignement supérieur, en passant par le secondaire, le Dr Alpha Amadou Bano BARRY a fait un diagnostic global de l’éducation guinéenne. Invité par nos confrères de la radio Espace ce jeudi 12 mars, ce conseiller du chef de l’Etat chargé de l’Education, a mis en lumière les différents maux du système éducatif et les remèdes qu’a engagés l’Etat dans ce secteur. Un tour d’horizon sur les différentes facettes de ce système éducatif.
« La mauvaise formation du personnel enseignant »
Pour le Dr Bano, l’éducation guinéenne se porte très mal : “Nous avons réussi depuis une dizaine d’années à améliorer substantiellement l’offre éducative. On est passé entre 1996 et 1997 de 54% de taux de scolarisation des élèves à 85% aujourd’hui. La massification est une réalité de notre système. Le problème que nous avons c’est l’amélioration de la qualité. Cette qualité du système éducatif c’est d’abord un problème des ressources humaines du corps enseignant. Toutes les évaluations qui ont été faites du système éducatif (enseignants du primaire, secondaire et de l’enseignement technique) arrivent à la même conclusion: le personnel enseignant en situation de classe est mal formé“.
Enseignement pré-universitaire: qui sont ces formateurs “non-formables?”
Selon ce ministre conseiller du président de la République chargé de l’Education, une classification des enseignants au niveau du primaire a été faite : “Une évaluation qui a été réalisée par la cellule nationale d’évaluation de l’enseignement pré-universitaire en 2000 a classifié les enseignants du primaire en trois catégories: avec une catégorie le tiers des enseignants qui sont ce qu’on a appelé le tiers faible, “les non formables“. C’est-à-dire avec un niveau bas. Un tiers moyen dont pour le remettre à niveau cela demandait une formation relativement importante.
Des élèves qui ne savent que mémoriser
Dans la dernière étude qui a été réalisée en 2017, par le responsable mondial de l’éducation qui se trouve à New-York, il s’est rendu compte que les élèves savent lire dans la mémorisation et non décortiquer le texte. Pour le Dr Bano, les élèves lisent comme ça se fait à l’école coranique.
Le diplôme des enseignants
D’après le rapport que dispose le Dr Alpha Amadou Bano Barry, au niveau du supérieur, actuellement 51% du personnel enseignant est avec le diplôme de licence, 31% avec un diplôme de master (DEA ou DES) et 18% titulaires d’un diplôme de doctorat dont 8% seront à la retraite d’ici 2022.
Dans son intervention, le Dr Bano indique au niveau du primaire guinéen public, 58% des enseignants ont un diplôme inférieur au baccalauréat, alors qu’au niveau du privé 21% n’ont pas le diplôme du baccalauréat. Il ajoute en affirmant que les meilleures écoles à Conakry sont les écoles où enseignent les étrangers.
Le manque du personnel enseignant
Le ministre conseiller du président de la République revient aussi sur le manque d’enseignants. Et là, c’est au public qu’on enregistre moins d’enseignants, par rapport au privé. “Au niveau du secondaire, dit-il, sur les trois millions et quelque élèves, vous avez deux millions et quelque élèves dans le public. Ces deux millions et quelque n’ont que neuf mille enseignants entre 2015 et 2016. Ce qui fait un ratio sensiblement de 56 élèves pour un enseignant. Contrairement au privé guinéen qui, sur les un million et quelque élèves, dispose de 18 mille enseignants, dont 18 élèves pour un enseignant. L’étude a montré que le niveau d’apprentissage des élèves est en lien étroit avec le niveau de qualification professionnel et pédagogique de l’enseignant. Elle a montré une différence de qualité entre le privé et le public“.
Deux régions naturelles tirent la queue
Selon le Dr Bano, l’étude a prouvé que les régions les moins performantes en terme d’efficacité de l’école sont la Haute et la Moyenne Guinée, les plus performantes sont la Guinée Forestière et les zones de Conakry et Kindia.
Aux grands maux, les grands remèdes
D’après le ministre Conseiller du président de la République chargé de l’Education la Guinée a sollicité un appui substantiel de la France pour la formation des formateurs dans le pays. «Le président français a annoncé une aide financière pour les trois prochaines années, d’une enveloppe de 45 millions d’euros, qui va passer par l’Agence française de développement (AFD), et qui va porter à la fois sur l’amélioration de la formation des formateurs, mais aussi sur l’insertion professionnelle des diplômés du système”, a-t-il fait savoir.
Qui sont ces enseignants en dehors de l’Education?
Pour le Dr Bano, officiellement il y a 47.908 fonctionnaires de l’Etat qui sont des enseignants. “La première des choses c’est de les identifier. Une petite étude réalisée montre que plusieurs parmi le personnel officiellement enseignant, se trouvent en dehors de l’éducation. Parfois, ces personnes domicilient leur bulletin de salaire à l’intérieur du système éducatif, ils travaillent dans d’autres ministères ou dans le secteur privé. La première opération c’est de savoir qui sont les 47.908 enseignants et où sont-ils. Nous considérons que les 47.908 enseignants sont suffisants pour prendre en charge les élèves et d’avoir des groupes pédagogiques raisonnables“.
Une formation des formateurs, un coup de main pour l’éducation
Selon le Dr Alpha Amadou Bano, le deuxième aspect de la reforme va consister à mettre en place pour les enseignants du primaire et du secondaire, un test diagnostique, pour déterminer le niveau de compétence en français, en pédagogie, mais aussi la discipline dans laquelle la personne enseigne. “Ce test, poursuit-il, va permettre de mettre en place un programme massif de formation des formateurs, qui va s’adapter aux besoins de la qualité des ressources humaines que nous avons sous la main. Il durera 2 ans, c’est-à-dire que vous finissez la partie français, vous entamez la partie discipline et vous terminez par la partie pédagogie. Il est prévu au niveau de l’enseignement supérieur, l’ouverture du master et du doctorat dans toutes les filières avec l’appui des pays de la sous-région, et c’est l’Etat guinéen qui paye ces formations“.
Les diplômés de l’ENI et de l’ISSEG désormais prioritaires dans le recrutement du personnel enseignant
La solution que va envisager l’Etat, c’est choisir la provenance des enseignants à recruter. Selon l’ancien vice-recteur de l’Université Général Lansana Conté de Sonfonia, pour le complément d’enseignants, un concours sera fait : “La façon de recruter les enseignants va aussi changer. Désormais, ceux qui sortent des structures de formation des enseignants (ENI, ISSEG) seront recrutés sur la base des résultats de leur structure de formation. Ils seront prioritaires. S’il y a un complément à faire, le concours sera ouvert à ceux qui ont fait sociologie, histoire, etc. Sauf qu’à la réussite du concours, il faudra que ceux-ci passent par une structure de formation pendant deux semaines pour recevoir des formations pédagogiques“.
Fin des doublons dans la Fonction publique ?
“L’engagement à la Fonction publique dans le domaine de l’enseignement sera sur la base d’un poste ouvert et d’une durée déterminée. Donc la réforme va consister à s’assurer que ceux qui vont être recrutés resteront dans l’éducation pendant une durée déterminée. L’identification des enseignants qui vont en classe et ceux qui ne partent pas va se terminer d’ici la fin de l’année (identification biométrique et physique), pour savoir l’effectivité des mutations des enseignants“, a-t-il précisé.
Les partenaires sociaux indispensables pour la réussite de la reforme!
Tout le monde est intéressé par la qualité, ajoute le ministre conseiller du chef de l’Etat. “Le processus se fera avec les partenaires sociaux (parents d’élèves, syndicats et les collectivités à la base). Je ne connais pas un Guinéen mal formé qui n’a pas honte de son niveau de formation. Mais attention, on dirait bien que le système éducatif a besoin de plus d’un tour de magie, pour être guéri. C’est pourquoi il y a un paquet de reformes proposé au président de la République, qui est en train de les consulter avant de répondre“, a-t-il conclu.