A l’occasion du mois de mars qui est dédié aux femmes, Guinée360 s’est intéressé à la femme guinéenne évoluant dans le domaine sportif. Pour en parler nous avons rencontré pour vous, l’ancienne ministre des sports, Domani Doré.
Guinee360: Vous êtes ancienne ministre des sports, en revenant un peu en arrière comment avez-vous accueilli votre nomination en tant que femme au sein de ce département qui n’était presque que dirigé par des hommes?
Domani Doré: D’abord, je suis très heureuse que vous fassiez un zoom dans le milieu du sport parce que, c’est un domaine qui apporterait beaucoup à l’éducation de nos filles. Et personnellement, lorsque j’ai appris ma nomination, je me suis dit tout ce qui casse le code habituellement m’intéresse. A la longue j’ai eu des bonnes raisons de penser que ce département a besoin d’un leadership féminin, pour la simple raison qu’on ouvrait la voie sur cette possibilité de grandir par les valeurs du sport et pas seulement physique.
C’est un domaine sur lequel on travaille beaucoup dans le milieu sportif. Et j’avoue, lorsqu’on arrive à un tournoi de football qui est le plus usuel, vous avez deux coupes différentes: une coupe minuscule pour la série fille et une autre coupe énorme pour la série garçon. Du coup, ce sont des choses qui passent inaperçues, mais qui ramènent toujours à penser que la femme est inférieure et ce sont des petites choses comme ça que j’essayais de casser. Lorsque vous m’invitez à un truc, et je vois des coupes différentes, je vous dis non! Comment on va atteindre la légalité avec ça ? Parce que c’est légal. Elles ont joué entre elles et ils ont joués entre eux et pourquoi les coupes seraient différentes et ainsi de suite ? Bref, le sport a bien besoin qu’on injecte quelques leaderships féminins.
En tant qu’ancienne ministre des sports, quelles sont les difficultés auxquelles le sport féminin guinéen est confronté?
Dans l’organisation administrative du sport en Guinée, vous avez ce qu’on appelle la structure olympique et une commission femmes et sport. Je pense que cette commission regorge de talentueuses et anciennes sportives pour la plupart, mais manque d’objectivité dans les actions concrètes. Cette commission pourrait beaucoup apporter à relever le sport féminin. En général, le sport lui-même est difficile sur le plan financier et quand vous prenez encore l’aspect femme ça devient plus compliqué, parce que nous manquons même des personnalités jeunes pour bien exercer là dedans. Parce qu’elles manquent des modèles. Je pense que cette commission doit être réformée pour ne pas dire refonder. Cette commission doit avoir sa cible principale les jeunes femmes et non les personnes âgées qui n’ont plus à apprendre l’importance du sport. Les plus jeunes ont besoin d’entendre de la bouche des anciennes sportives quelles sont les opportunités qu’on a dans le sport et qu’est-ce que ça va apporter à une femme.
Vous avez des femmes arbitres aujourd’hui, mais qu’est-ce qui est en place pour donner envie de poursuivre par exemple, les choses là ? Le ministère peut accompagner ces initiatives, mais il doit veiller à ce que la politique nationale des sports soit effective à travers ses structures connexes. Si ces structures n’arrivent pas à prendre des initiatives qui mettent à ce que cette politique nationale soit réelle sur le terrain en faveur des femmes, il y a une dichotomie qui fait qu’on ne peut pas atteindre toutes les aspirations ou toute l’envie qu’on voudrait que les femmes soient davantage expressives dans le sport. Vous remarquerez aujourd’hui la plupart des mécènes qui investissent dans le sport c’est des hommes.
Donc ne soyez pas étonnée qu’ils mettent pas trop l’accent sur les femmes. La première difficulté qui s’impose c’est sur le plan financier et c’est pour ça je dis que pour sortir du sport, la femme du 21ème siècle doit chercher de l’argent. L’argent et le pouvoir, pas simplement pour paraître riche, s’habiller avec des bijoux et autre. Non! L’argent doit servir à régler les problèmes ou en tout cas à assouvir à ce qu’on a envie de faire de ce monde c’est-à-dire mettre nos enfants dans des meilleures écoles à amener nos parents dans des meilleurs hôpitaux, pouvoir apporter sa contribution pour justement relever le sport féminin. Ça demande des moyens! C’est une panoplie de choses qui par exemple, on souhaite que le fonds d’aide au sport soit effectif au niveau de ministère. Ce fonds d’aide existe, mais est-ce qu’il est fonctionnel ? Il peine à fonctionner parce qu’on n’a pas encore trouvé un mécanisme pour rassurer ceux-là qui sont prêts à mettre de l’argent, parce qu’il ne suffit pas seulement d’avoir de l’argent mais son utilisation rationnelle permettra, n’est-ce pas, d’atteindre les objectifs, ce qui n’est pas très évident.
Quel appel avez-vous à lancer aux femmes ?
Je pense que la femme guinéenne n’a plus rien à se prouver, encore moins à se prouver aux autres. Elle sait ce qu’elle veut et ce qu’elle a apporté à ce pays. Je pense qu’elle a juste besoin qu’on accompagne son potentiel d’audace. Et on a beaucoup à gagner à nous mettre ensemble autour des projets concrets et surtout que nous cherchons de l’argent. Il faut que la femme africaine s’organise pour sortir des microcrédits pour aller vers les macro-crédits. Il faut qu’on soit capable d’investir dans le domaine que nous souhaitons. Nos filles ont besoin des modèles. J’appelle la presse à faire un zoom sur les femmes. Les femmes dans le milieu sportif ce n’est pas ce qui manque. Nous avons des championnes en Guinée, malheureusement elles ne sont pas mises sur les projecteurs. Il faut parler d’elles, il faut donner l’occasion à ces petites filles de savoir qu’on peut faire carrière dans le sport. Je pense que l’avenir de la Guinée se repose dans les mains des femmes, mais il faut encore qu’elles s’organisent et en tout cas, audacieusement, que nous nous organisions et je pense que ce n’est pas loin.
Merci madame
C’est moi qui vous remercie.