Bien qu’il y ait désormais un Secrétaire permanent du cadre de dialogue politique et social, d’aucuns estiment que les démarches visant à discuter en vue d’une sortie de crise en Guinée, ne pourraient aboutir, sans la participation des principaux partis de l’opposition, notamment l’UFDG et l’UFR. Mais pour le président de l’institution nationale indépendante des droits humains (INIDH), il serait [très tôt], de faire un jugement dans ce sens. Cette actualité et celles liées aux sanctions annoncées par l’Union européenne contres des anciens dignitaires du Cndd, la junte militaire au pouvoir en Guinée en 2009, ont été a abordées par Pr Alya Diaby.
Guinée360.com: Le cadre du dialogue politique et social a désormais un secrétaire permanent. Mais est-ce que, selon vous, les démarches pourraient aboutir sans la participation des principaux partis de l’opposition?
Pr Alya Diaby : Il est trop tôt de juger de la réussite ou de l’échec d’une telle initiative. Ce que tout le monde a souhaité, est que ce dialogue soit inclusif. Mais il ne vise pas dans ce cas, des personnes nommément désignées. D’ailleurs, pour moi, il y a le dialogue politique et le dialogue social. Il ne s’agit pas intrinsèquement de la même chose, l’essentiel, c’est que toutes les structures et toutes les entités, tous les groupes soient inclus pour obtenir ce qu’on peut appeler un climat favorable au développement de la nation.
Qu’est-ce que vous conseillez au gouvernement face à la situation de ces détenus ? Est-ce que vous suggérez à ce qu’il leur accorde une liberté avant de lancer les activités du cadre du dialogue, ou anticiper leur procès afin qu’ils soient fixés sur leur sort ?
Nous avons toujours ici à l’INIDH, postulé ce que nous appelons la présomption d’innocence. Ce qui suppose que si des individus sont arrêtés, qu’ils soient l’objet d’un procès équitable. En attendant que ce procès ne soit équitable, nous avons souhaité qu’il y ait de la célérité dans le dossier pour que ceux qui doivent être jugés, le soient. D’ici là, ce qui est préférable, si le droit et les conditions le permettent, mettre des individus en liberté, en attendant que leurs culpabilités soient établies, ça c’est un principe sacro-saint. Mais au-delà, ce qu’il faut comprendre, si des individus sont accusés d’etre d’atteinte à la sécurité intérieur et extérieur de l’Etat, avec des infractions suffisamment graves, ce qu’il faut souhaiter, c’est que le procès soit équitable. Si le procès se tient, l’institution nationale indépendante des droits humains prendra des dispositions pour faire le monitoring du procès et en dira un mot.
L’Union européenne a annoncé des sanctions contre 5 anciens membres du CNDD dans l’affaire du massacre du 28 septembre. Quelle est votre lecture suite à cette décision ?
L’institution nationale indépendante des droits humains n’est pas un organe des organisations des relations internationales. Par contre, nous sommes pour la présomption d’innocence. Encore une fois, aussi longtemps qu’une juridiction n’aura pas condamné des Guinéens, pour ce massacre-là, tous ceux qui sont concernés, bénéficient de la présomption d’innocence et doivent être traités comme tel. Nous ne pouvons pas demander la présomption d’innocence pour les uns et postuler la présomption de culpabilité pour les autres. Encore, ce sont des sanctions ciblées. C’est plus politique, ça n’a rien de juridique. Pour qu’une juridiction se prononce ou se déclare compétente pour une infraction pénale, il y a, soit que le crime ait été commis sur votre territoire, soient que ce soient vos nationaux qui aient commis l’infraction, soit que l’infraction ait été commises contre vos nationaux. Dans tous ces cas, l’Union européenne n’est pas concernée de ce point de vu. Maintenant, si l’on prend la chose dans sa dimension infraction grave de droit international, la mesure qui est prise, est une mesure de pression, pour amener les juridictions à utiliser les voies et moyens pour faire le procès. D’ici là, quand on parle de sanction ciblées, ce n’est pas vraiment des arrestations ou l’emprisonnement des intéressés. C’est que, la commission européenne est le gouvernement de l’Europe. Donc ils peuvent interdire l’accès à leur territoire à qui que ce soit. Ce n’est pas un droit pour les ressortissants des autres pays d’accéder à l’Union européenne, c’est un privilège. C’est comme la Guinée, le gouvernement guinéen peut décider que tel ou tel ressortissant de tel pays n’entre pas sur son territoire…
Est-ce que la décision est tombée à point nommé ?
Ce n’est pas une juridiction qui a pris une sanction contre des individus. De ce point de vue là, ce sont des sanctions ciblées. Elles concernent des individus, ça ne concerne même pas la Guinée. Il y a des organes qui dans chaque État, s’occupent des relations internationales, ce qui n’est pas le cas de l’INIDH. Nous sommes respectueux de la répartition des compétences.
25 Personnalités guinéennes, dont le Premier ministre Kassory Fofana, sont visées par une plainte de certains députés européens. Ceux-ci les accusent d’avoir été impliqués dans le meurtre de 250 manifestants de l’opposition. Que pensez-vous de ces accusations ?
Il nous a été donné de comprendre que c’est 32 députés qui ont écrit une lettre pour demander à ce que ces individus soient sanctionnés. Il se trouve qu’il y a 705 membres du parlement européens. Donc ces 32 personnes ne sont ni un organe du parlement européen ni un organe de l’Union européenne. C’est la politique internationale, c’est une façon d’amener les responsables européens à agir ou à pousser le gouvernement guinéen à agir. Dans cette liste, il y a des gens qui bénéficient de la présomption de représentativité comme le Premier ministre… Donc il ne faut pas prendre la volonté des uns, leur désidératas comme de la réalité. Cette liste n’est pas imputable à l’Union européenne qui n’a pris aucune sanction contre aucun des individus inscrits sur cette liste. Je considère tout ça comme faisant partie de l’activisme sur le plan international. La Guinée est un État souverain, les questions d’immunité en droit international sont de mises dans les relations entre les Etats.
Vous pensez que les cadres cités dans cette plainte devraient démontrer leur innocence dans cette affaire ?
L’innocence ou la culpabilité ne se démontrent pas devant les organes politiques. Il s’agira de procédure judiciaire, ce qui n’est pas encore le cas. Je ne vois pas sur quel plan cela irait d’autant plus que, sur le plan même international, la juridiction par exemple de la Cour pénale internationale est complémentaire à celles des juridictions nationales. Je crois que dans plusieurs dossiers, il y a des enquêtes en cours qui ont été annoncées par le gouvernement guinéen. Prenez tout ça comme de l’activisme international. Si quelqu’un est accusé, il faut une procédure, il faut une instruction, un procès et cela se déroule soit dans le cadre national, soit dans le cadre international. Et tout ça est délimité par des règles précises. On ne peut pas sortir hors de ces règles pour faire de la pression internationale. Nous laissons au gouvernement le soin de s’occuper de ce qui relève de sa compétence.
Quelle est la position de l’INIDH face à l’interdiction de sortie du territoire guinéen, prise contre certains opposants ?
Une interdiction doit être une décision. C’est-à-dire si nous voyons une décision de justice ou d’un juge d’instruction contre un tel individu particulièrement, on pourra examiner en ayant le dossier en vue. Maintenant, des déclarations, des communiqués…, tout cela ne ressemble à l’institution nationale indépendante des droits humains de rentrer dans des débats ou il n’y a pas de choses précises. Tout cela doit être encadré selon des normes juridiques. Dire seulement que tel et tel sont interdits, on ne peut pas se prononcer sur ces genres de questions. Si un individu est interdit spécialement, on demandera pourquoi ? Jusqu’à ce moment, il n’y a pas encore véritable de problème puisque personne n’a été jugée et ces individus-là n’ont pas été arrêtés, inquiétés et mis en prison. Vous savez, la raison d’État est un peu au dessus de nos volontés individuelles. Il a y des choses qui vous échappent et qui nous échappent, qui relèvent de la sécurité intérieure et extérieure. Mais je pense qu’il faut dédramatiser, il faut qu’on arrive à un niveau, que les personnes aient ce qu’on appelle la liberté de circulation, aussi longtemps qu’elles ne sont pas jugées par une infraction et/ou ne sont pas impliquées dans une infraction particulière. Je crois qu’il faut la différence entre le gel, les excès de certains cadres…
Est-ce que le gouvernement ne devrait-il pas quand même accordé une chance à ceux qui doivent se faire soigner à l’étranger, c’est le cas du vice-président de l’UFDG, Fodé Oussou Fofana ?
Encore une fois il faut dédramatiser. Le colloque de Lomé dont on parle, c’est organisé par une université et ça concerne les questions monétaires. Donc ce n’est pas vraiment une question particulière. Mais au delà de cela, il y a des individus, on leur a pas notifié une infraction particulière, on devrait pouvoir les laisser libres, de leur mouvement. Si des mesures ou des raison d’État n’empêchent, que leurs droits puissent être pris en compte.