Le procès des massacres du 28 septembre 2009 s’ouvre ce mercredi, 28 septembre 2022, treize ans après ces événements douloureux, au cours duquel plus de 150 manifestants ont été tués et plusieurs dizaines de femmes violées.
L’ouverture de ce procès des présumés auteurs de ces crimes constitue un événement majeur qui doit répondre aux attentes des victimes et leurs familles. Pour Amnesty International ledit procès doit être « équitable » avec la présence de tous les inculpés.
«L’ouverture de ce procès est une victoire pour les victimes, familles de victimes et les organisations de défense des droits humains qui se battent depuis 13 ans pour qu’il se tienne. C’est aussi un pas important dans la lutte contre l’impunité pour les homicides illégaux et les crimes sexuels de façon générale, qui demeurent trop souvent impunis en Guinée.
Au-delà de la symbolique de l’ouverture du procès, ce dernier ne pourra être considéré comme une réussite que s’il permet d’établir les faits de façon rigoureuse, d’entendre les victimes, de poursuivre l’ensemble des personnes inculpées en leur présence, de garantir à ces dernières un procès équitable, et au final de rendre justice», a déclaré Samira Daoud, directrice régionale pour l’Afrique de l’Ouest et du Centre à Amnesty International.
Par ailleurs, Amnesty International demande aux autorités guinéennes de garantir la sécurité et la protection adéquate des victimes et témoins avant, pendant et si nécessaire après la tenue du procès. Il exhorte les autorités guinéennes à partager le projet de loi portant protection des victimes, des témoins et des autres personnes en situation de risque, avec les associations de victimes et organisations de défense des droits humains pour y inclure leurs éventuelles recommandations et adopter le texte au plus vite. Elles doivent, poursuit-il, prendre des mesures provisoires sans attendre l’adoption de ce texte, pour s’assurer que les victimes et témoins de ce procès puissent s’exprimer devant le tribunal de manière sereine. En outre, Amnesty International réparation les victimes du massacre qui sont déjà morts.
«Les victimes des massacres – dont plusieurs sont décédées ces dernières années – et leurs ayant droits vivent pour beaucoup dans des conditions de précarité déplorables et ont besoin de recevoir de la part des autorités guinéennes une réparation adéquate, efficace et rapide. A ce titre, Amnesty International appelle les partenaires de la Guinée, et particulièrement la Communauté économique des États d’Afrique de l’Ouest (Cédéao), l’Union africaine, l’Union européenne, la Cour pénale internationale et les Nations unies, à répondre à l’appel des autorités guinéennes en contribuant au fonds d’indemnisation des victimes du massacre du 28 septembre 2009.»
L’ONG souligne que la Cour pénale internationale (CPI) avait ouvert un examen préliminaire sur la situation en Guinée en octobre 2009. La CPI, conçue comme un tribunal de dernier recours pour les crimes les plus graves, prend le relais lorsque les tribunaux nationaux ne peuvent pas ou ne veulent pas, instruire et juger ce type d’affaires.
«À la suite de l’enquête ouverte en février 2010 et clôturée fin 2017 menée par des juges d’instruction guinéens, 12 personnes sont aujourd’hui inculpées, dont Moussa Dadis Camara, l’ancien chef de la junte au pouvoir en septembre 2009, le Conseil national pour la démocratie et le développement (CNDD). Exilé au Burkina-Faso depuis 2010, Moussa Dadis Camara est revenu en Guinée le 25 septembre pour le procès, après un premier court séjour dans le pays en décembre 2021. A l’occasion de ce séjour, il s’était déclaré être prêt à se mettre à la disposition de la justice. Parmi les inculpés se trouvent aussi le colonel Moussa Tiégboro Camara, limogé le 24 mars 2022 de sa fonction de secrétaire général à la Présidence chargé des services spéciaux, ainsi qu’Aboubakar Sidiki Diakité, ancien aide de camp de Moussa Dadis Camara, détenu à la prison centrale de Conakry depuis son extradition du Sénégal en mars 2017. Cinq autres personnes inculpées sont détenues à la prison centrale de Conakry, depuis 2010 et 2015 selon le ministère de la justice. Ces personnes sont détenues bien au-delà du délai légal de détention provisoire», a rappelé Amnesty International dans une note publiée ce mercredi.
«Ce procès doit être exemplaire pour répondre à la longue espérance des victimes qui ne doit pas être déçue, et à celle des associations qui se sont mobilisées pendant toutes ces années pour qu’il puisse voir le jour. L’ouverture du procès sur le massacre du 28 septembre 2009 doit aussi s’accompagner d’autres procès sur les violations des droits humains commises après 2009, notamment les nombreux homicides illégaux présumément commis par les forces de défense et de sécurité lors de protestations à Conakry et dans plusieurs autres villes, les viols et autres formes de violences sexuelles, et les arrestations et détentions arbitraires», a-t-il conclu.
Mamadou Kouyaté