Bien que n’étant pas rassurée de l’évolution du processus judiciaire, la présidente de l’Association des victimes, parents et amis du 28 septembre 2009 (Avipa) espère toutefois que le procès puisse se tenir en Guinée. Mme Asmaou Diallo rappelle que «neuf ans ce n’est pas neuf jours » et invite le comité de pilotage, qui ne se réunit plus, à s’impliquer davantage pour qu’une date du procès soit annoncé. Elle évoque aussi les cas Toumba Diakité en détention à la Maison centrale de Conakry et Moussa Dadis Camara, en détention prolongée au Burkina et demande à l’Etat de veiller à ce que surtout ces deux-là soient présent au procès. Interview!
Qu’est ce que vous avez prévu pour la commémoration de l’an 9 du massacre stade du 28 septembre en 2009 au stade éponyme ?
Il est prévu qu’on fasse a l’occasion de cette commémoration, des prières et des sacrifices pour les victimes. Nous allons également organiser une conférence de presse qui va se tenir au siège de l’Avipa. Dans la soirée, il y aura le lancement d’un film documentaire sur «la Vérité des victimes». Ça va continuer au 2 octobre donc , on n’est dans ce mouvement général qui correspond aussi à une date très importante qui marque l’indépendance de la Guinée en 1958. Cette date est encore plus importante pour nous parents et amis des victimes parce que c’est ce jour qu’on nous a rendus leurs corps au niveau de la grande mosquée Fayçal. C’est devenu des dates très symboliques pour nous et très importantes pour tout le pays.
Dans quel sentiment vous apprêtez-vous à commémorer ce douloureux événement ?
Neuf ans ce n’est pas neuf jours. C’est une longue attente. Cette fois-ci, nous attendons vraiment qu’on annonce le procès pour qu’on puisse voir la vérité jaillir. On nous a toujours promis que le procès allait se tenir. Depuis 2014, On est dans les promesses jusqu’à nos jours. Nous estimons que cette fois-ci ça prendre beaucoup de réalité. Ce qu’il faut noter c’est que par le passé aussi, il y avait beaucoup de chose à mettre sur point. Il fallait d’abord clôturer l’instruction. Maintenant, c’est un comité de pilotage qui a été mis en place.
Il se trouve que le Comité de pilotage n’a pas tenu sa réunion initialement prévue en début septembre. Qu’en pensez-vous ?
Ce Comité doit continuer à fonctionner pour qu’il nous annonce au moins la date et le lieu du procès. Ce dont nous attendons de pied ferme. Lorsqu’ils ont annoncé sa mise en place, il était prévu qu’il siège une fois par semaine pour étudier tous les détails et voir comment le procès va se mettre en place. Mais depuis que le Comité a été mis en place, il n’a tenu que seule réunion. Ça nous tique un peu. Même s’il faut admettre que cela a coïncidé aux vacances judiciaires en août. Ça devait avoir lieu en début septembre, mais jusqu’à présent rien. C’est une grande attente pour nous pour qu’on soit bien situer. Mais d’ici là, on ne va pas rester les bras croisés.
Quelle est votre perception de la procédure judiciaire en cours?
Au départ, j’étais très rassurée et vraiment optimiste. Vu la façon que cela avance, je suis dans du noir parce que je n’ai pas quelque chose de clair qui puisse me rassurer de tenue du procès aujourd’hui. Nous attendons et espérons que le procès va se tenir. Nous tenons que ce procès se tienne en Guinée. Si toutefois, on arrive à ouvrir ce procès en Guinée, le pays va sortir de l’obscurité. Les autres pays africains vont prendre l’exemple sur la Guinée. Donc, il faudrait que nous luttions pour que ce procès ait lieu. Si le procès n’a pas lieu maintenant, mais je suis sûre qu’il se tiendra un jour. Et si on voit que la politique prend beaucoup le dessus sur le dossier, on serait obligé de demander à la Cour pénale internationale (Cpi) de prendre le dossier. Mais, pour le moment, je peux vous dire que la Cpi n’est pas prête à prendre le dossier. Elle est prête à accompagner pour que la Guinée puisse juger ses fils. Je ne suis pas rassurée que ce procès puisse tenir à la fin de l’année, mais, nous continuons de tenir et d’espérer. Avec l’accompagnent des partenaires du processus, nous espérons qu’on aura gain de cause. Surtout avec la participation de Dadis dans ce procès.
Savez vous pourquoi le Comité ne se réunit pas?
Il faut noter que les victimes ne font pas partie du Comité. Le président du Comité (le ministre de la Justice, Cheick Sako, Ndlr), n’était pas en Guinée. J’étais avec lui à Niamey. Je pense qu’il va convoquer la réunion.
Qu’avez-vous à dire sur le cas Toumba Diakité?
Je demande qu’il soit mis à la disposition d’un médecin pour qu’il soit soigner parce que c’est très important. Si ce n’est pas fait jusqu’à présent, je suis sûre que ça va se faire parce qu’on besoin de Toumba, il faut absolument qu’on prennent soin de lui et qu’il soit présent au procès.
Les victimes bénéficient elles d’un appui de l’Etat ?
Avec les partenaires qui nous accompagnent, on réussit quand même à soigner les victimes qui sont malades. Mais l’Etat ne s’est jamais préoccupé de la santé des victimes des événements du 28 septembre 2009. Pour le cas de Toumba, il faudrait absolument, au haut niveau, s’en occuper parce qu’on a besoin de lui.
Qu’est ce que ça vous fait de voir certains inculpés toujours en fonction jusqu’au sein même de la présidence de la République ?
J’ai toujours fustigé que des inculpés restent en fonction. Nous, victimes, pensons que ce n’est pas normal. Nous pensions qu’à partir du moment qu’ils sont inculpés c’est la justice qui pourrait leur donner une liberté totale si c’était dans le fonctionnement correct de l’Etat guinéen. Nous demandons que l’Etat les mette en congé en attendant que le procès se tienne et qu’on définisse leurs sorts.
A votre avis pourquoi ils sont toujours en fonction?
On se dit qu’ils peuvent toujours empêcher le bon déroulement du processus pour qu’on puisse aller à la vérité parce qu’ils sont en position de force. Ils peuvent bloquer et ça nous inquiète.
Et le cas de Dadis qui est en détention prolongée au Burkina Faso?
Je me pose cette question de savoir pourquoi Dadis n’est pas en Guinée puisque lui-même a demandé son retour. Certainement, ils sont en train de voir comment le faire revenir. Seulement, nous tenons à ce qu’il soit présent au procès. Le reste ne nous engage en rien. Nous insistons qu’il soit là parce qu’il a toujours dit qu’il veut y être pour dire la vérité. Nous demandons qu’il soit là pour clarifier les choses. En ce qui concerne son long séjour au Burkina, nous ne pouvons pas nous y s’immiscer. Si Dadis n’est pas là, je ne sais pas pourquoi il y aura procès parce que c’est lui qui était président de la République. Il dit qu’il est prêt à donner les vérités alors il faut absolument qu’il soit présent.
Réalisée par Abdoul Malick Diallo