En voici une contribution essentiellement consacrée aux intangibilités dans les différentes constitutions que la Guinée a connues depuis celle du 10 novembre 1958 à nos jours que les pros et anti 3e mandat devraient connaitre avant de se lancer dans le débat comme l’a souhaité Alpha Condé.
Après 60 ans d’indépendance dont 50 ans passé sous la dictature de Sékou Touré et de Lansana Conté suivis par la tumultueuse période du Cndd, la Guinée peine encore à consolider sa démocratie. Alors que le pays semblait au bout du tunnel, voilà qu’il est encore sous la menace d’un 3e mandat d’Alpha Condé quitte à bousculer les intangibilités.
Constitution du 10 novembre 1958
De par son vote massif au référendum du 28 septembre 1958, le Peuple de Guinée a rejeté la domination française et acquis son indépendance le 2 octobre 1958. Adoptée le 10 novembre 1958, cette première Constitution guinéenne stipulait en son article 22 que «le président de la République est élu pour 7 ans au suffrage universel, à la majorité absolue au premier tour ou à la majorité relative au second tour. Il est rééligible». Son article 50 disposait que la forme républicaine de l’Etat était la seule intangibilité qui ne pouvait être mise en cause par aucune révision constitutionnelle.
Constitution du 14 mai 1982
Bien qu’elle ait supprimé la pluralité politique au profit du PDG-RDA, «unique et exclusive force politique», donnant les pleins pouvoirs à Sékou Touré, la Constitution du 14 mai 1982 n’avait toutefois pas modifié l’intangibilité consacrée par la première Constitution qui prévoyait que «la forme républicaine de l’Etat ne peut être mise en cause par aucune révision constitutionnelle».
Constitution du 23 décembre 1990
A la mort de Sékou Touré, le Comité militaire de redressement national (CMRN) prend le pouvoir le 3 avril 1984. Et le 23 décembre 1990, un projet de Constitution est adopté par référendum et promulgué seulement le 23 décembre 1991 autorisant le multipartisme. De 7 ans renouvelables, la durée du mandat du président de la République est ramenée à «5 ans renouvelables une seule fois» (article 24). Lansana Conté remporte la première élection du 23 décembre 1993.
La forme républicaine de l’État, le principe de la laïcité et le principe de la séparation des pouvoirs étaient les seules dispositions qui ne pouvaient faire l’objet d’aucune révision. C’est ce qui avait ouvert la voie à l’adoption de la Constitution du 23 décembre 2002 ramenant le nombre et la durée du mandat à «7 ans renouvelables» ayant permis à Lansana Conté de rester au pouvoir.
La constitution du 10 mai 2010
On s’aperçoit bien que jusque-là, le nombre des mandats, même s’il avait été limité à un certain moment, mais n’était pas verrouillé et était donc modifiable. C’est pour éviter la reproduction de ces erreurs à l’avenir, que le législateur a cru bon de prévoir l’article 27 de la constitution du 10 mai 2010 qui stipule: «le président de la République est élu au suffrage universel direct. La durée de son mandat est de 5 ans, renouvelable une fois. En aucun cas, nul ne peut exercer plus de deux mandats consécutifs ou non».
Et de verrouiller à l’article 154: «la forme républicaine de l’Etat, le principe de la laïcité, le principe de la séparation et de l’équilibre des pouvoirs, le pluralisme politique et syndical, le nombre et la durée des mandats du président de la République ne peuvent faire l’objet d’une révision».
Au regard de ces détails ci-dessus, on s’aperçoit que durant ses 26 ans de règne, Sékou Touré n’avait jamais touché à «la forme républicaine de l’Etat» qui est restée la seule disposition verrouillée depuis la première Constitution de 1958 jusqu’à sa mort en 1984.
En plus de «la forme républicaine de l’État», la Constitution de 1991 et celle de 2002 ont rajouté «le principe de la laïcité et le principe de la séparation des pouvoirs» comme étant les seules dispositions qui ne pouvaient faire l’objet d’aucune révision et auxquelles d’ailleurs Lansana Conté, durant 24 ans, n’a jamais apporté une quelconque modification parce qu’elles étaient intangibles.
La Constitution étant l’émanation du peuple, elle ne doit pas être taillée selon la volonté d’une seule personne fut-il un président de la République qui en est le garant.
Donc, Alpha Condé finit son second et dernier mandat en 2020 et en aucun cas, il ne pourrait soumettre une nouvelle Constitution pour se maintenir au pouvoir à vie.
C’est clair à présent, en tout pour ceux qui comprennent le français et non des gens comme Bantama, Mouctar Diallo, le président du parti Hafia, sanaba…la liste est longue dans ce gouvernement.