Responsable de la communication du Front national pour la défense de la Constitution (FNDC), Abdoulaye Oumou Sow a vigoureusement dénoncé les dérives du pouvoir actuel sous la conduite du Général Mamadi Doumbouya. Dans une interview accordée à Guinee360 depuis Paris, cet acteur de la société civile a abordé plusieurs sujets sensibles, notamment la disparition de membres du FNDC, le glissement électoral en cours, ainsi que les scandales de corruption qui secouent le gouvernement guinéen. Il a également détaillé les stratégies des Forces vives de Guinée visant à pousser les militaires à honorer leurs engagements et à respecter la volonté du peuple.
Guinee360.com : En tant que membre actif du FNDC, comment analysez-vous le glissement de la transition ?
C’est une situation déplorable. Après la chute d’Alpha Condé, on s’attendait à un retour à un gouvernement civil. Malheureusement, la junte militaire, qui aurait dû apporter la solution face à l’imposture d’Alpha Condé, est devenue le problème principal du peuple de Guinée. Au lieu de garantir une transition démocratique, nous assistons à un pouvoir dictatorial qui se renforce à travers une milice, profitant de l’armée pour s’imposer par la force. Le pays est aujourd’hui pris en otage, avec la corruption, le détournement de fonds publics et le trafic de drogues. Depuis le 31 décembre 2024, les Forces vives de Guinée ne reconnaissent plus la junte de Mamadi Doumbouya. Nous continuons de lutter pour ramener la Guinée à un régime civil et constitutionnel, dans lequel le peuple sera à même de choisir librement ses dirigeants.
Avez-vous des nouvelles sur la disparition des membres du FNDC?
Le 9 juillet 2024, Mamadou Billo Bah et Foniké Mengué ont été enlevés par des éléments des forces spéciales à leur domicile et emmenés à la présidence. Depuis, nous n’avons aucune information sur leur sort, mais il est évident que la junte de Mamadi Doumbouya est responsable de leur détention. D’autres personnalités comme le journaliste Marouane Camara ont également disparu, ce qui montre une répression croissante. Il est inacceptable que notre pays, au lieu de défendre ses citoyens, les emprisonne illégalement, en toute impunité.
Aliou Bah a été condamné à deux ans de prison, quelle analyse en faites-vous?
Ce procès, qui ressemble davantage à une parodie de justice, démontre que la Guinée est sous le joug d’une dictature. Des magistrats complices de la junte ont mené ce simulacre de justice. Cela fait honte à la justice guinéenne. À travers ce genre de répression, la junte montre son véritable visage : un pouvoir qui se maintient par la violence et la manipulation judiciaire.
Certains observateurs estiment que Mamadi Doumbouya dispose d’un champ libre en raison de l’exil des principaux acteurs politiques et sociaux. Qu’en pensez-vous ?
Cela ne devrait en aucun cas réjouir la junte. Bien au contraire, cela devrait être une source de honte pour eux. Les voix de l’opposition sont réduites au silence, mais cela ne signifie pas que le peuple guinéen est battu. Nous ne nous laisserons pas intimider. Ceux qui gravitent autour du pouvoir actuel ne sont pas des acteurs politiques crédibles. Ils sont les rejetés de la société, ceux qui n’ont rien à perdre. Et c’est avec ces individus que la Guinée est dirigée aujourd’hui. La situation est tragique, et le pays se dirige vers l’abîme.
A part des manifestations, quelles alternatives les Forces vives envisagent-elles pour contraindre le CNRD à respecter ses engagements ?
Les Forces vives ne se contentent plus de manifester. Depuis le 31 décembre 2024, elles ont pris la décision de ne plus reconnaître la junte. La lutte continue à travers des stratégies alternatives. Nous cherchons désormais des moyens pour restaurer la dignité du peuple guinéen et ramener le pays à l’ordre constitutionnel. Des discussions sont en cours pour mettre en place un gouvernement civil, seul capable de garantir un retour à un système démocratique où les citoyens pourront choisir leurs dirigeants.
Pourquoi les Forces vives n’ont-elles pas réussi à instaurer une transition civile dès le 1er janvier 2025 ?
Les Forces vives n’ont jamais annoncé la mise en place d’un gouvernement civil dès le 1er janvier 2025. Ce que nous avons affirmé, c’est que nous ne reconnaîtrons plus la junte depuis le 31 décembre 2024. Nous préparons une alternative pour instaurer une gouvernance civile, en adéquation avec l’ordre constitutionnel, et nous continuerons à travailler pour cela.
Pourquoi les Forces vives n’ont-elles pas lancé d’autres actions après la manifestation du 6 janvier ? S’agit-il d’un recul tactique ou d’un signe d’impuissance face à la répression ?
Il y a toujours des manifestations organisées à travers le monde, à Paris, à Bruxelles, et même à Conakry. Mais au-delà de cela, il existe des alternatives plus sérieuses en préparation. Le peuple guinéen ne se laissera pas intimider, et ces alternatives se concrétiseront dans les mois à venir.
Que pensez-vous du refus des représentants des Forces vives de quitter le CNT, malgré les demandes insistantes ?
L’attitude des représentants des Forces vives au CNT soulève des interrogations. Si certains, à l’instar de Me Mohamed Traoré, ont fait le choix de quitter cet organe, d’autres semblent s’accrocher à leurs positions, ce qui soulève des questions sur leurs motivations profondes. L’acte symbolique de Me Traoré mérite d’être salué, mais il est regrettable de constater que certains membres du barreau, censés être les gardiens de la démocratie et des principes juridiques, ont choisi de le remplacer. Ceux qui demeurent au sein du CNT doivent se poser la question de leur responsabilité et de l’engagement qu’ils ont pris devant le peuple de Guinée.
Que pensez-vous du soutien exprimé par certains jeunes de l’Axe à la junte, notamment ceux dirigés par Baba Alimou Barry ?
Je trouve cela inquiétant. Baba Alimou, un ancien prisonnier d’Alpha Condé, est un homme dont les motivations sont loin d’être claires. Il est manipulé par ceux qui gravitent autour de la junte et son soutien à la dictature est tout sauf surprenant. Cependant, il est important de souligner que les jeunes de l’axe, qui ont rejeté cette propagande, montrent qu’il existe une véritable conscience démocratique au sein de la jeunesse guinéenne.
Que pensez-vous des scandales de corruption, notamment celui de l’or de la Banque centrale ?
Le scandale de l’or, qui implique des personnalités proches de la junte, est un exemple frappant de l’impunité qui règne en Guinée. Des millions de dollars sont détournés et l’enquête est sabotée. Le cas de l’or révélé à Dubaï est loin d’être un cas isolé. Il existe d’autres scandales en cours, et il est évident que les enquêtes ne seront jamais sérieuses tant que la junte sera en place. La justice est au service de ceux qui détournent les fonds publics, et non du peuple.