Installé en septembre 2023 après seize années de tâtonnements sous les précédents régimes, le Conseil national des jeunes de Guinée (CNJ-G) peine à s’affirmer. En cause l’actuel ministre de la Jeunesse, Kéamou Bogola Haba, accusé par les membres de la structure de faire obstacle à son évolution. Le département de la Jeunesse dément ces accusations et évoque une lenteur administrative.
Alors que la création du Conseil national des jeunes (CNJ) visait à offrir à la jeunesse guinéenne un espace d’expression unifié et à promouvoir des initiatives en faveur de l’inclusion des jeunes dans les processus de consolidation de la paix, du renforcement de leurs capacités et de leur autonomisation, les membres de l’organisation se heurtent à de nombreuses difficultés.
Selon nos informations, plus d’un an après sa création, le CNJ-G ne dispose toujours pas d’un décret de reconnaissance officielle. Les équipements de bureau, acquis grâce au soutien de partenaires, restent entreposés faute de locaux adaptés. Par ailleurs, les membres du Bureau exécutif national n’ont pas encore été officiellement présentés au président de la transition. Cette situation limite considérablement la capacité de la structure à agir efficacement et à représenter les jeunes du pays, aussi bien sur le plan national qu’international.
Le président du CNJ-G, Abdoulaye Diané, contacté par Guinée360, accuse le ministre de la Jeunesse de freiner l’organisation dans ses efforts pour mener à bien ses activités. Selon lui, depuis plus d’un an, les membres du CNJ fonctionnent avec des moyens très limités, ne bénéficiant que d’un service minimum faute de financement pour mettre en œuvre leur politique.
Dans un courrier daté du 4 juin 2024 et adressé au Premier ministre, le CNJ-G a sollicité des mesures visant à institutionnaliser l’organisation et à renforcer sa légitimité. En réponse, le conseiller juridique et politique de la Primature, après avoir examiné le dossier, a souligné l’importance de garantir un cadre juridique stable pour le CNJ. Il a également recommandé la mise en place de mécanismes d’évaluation et d’adaptation réguliers, afin de permettre au Conseil d’évoluer en fonction des besoins de la jeunesse guinéenne.
Le 4 juillet 2024, le Premier ministre a saisi le ministre de la Jeunesse pour lui transmettre son analyse concernant la demande de décret d’institutionnalisation du CNJ-G formulée par son président. Cependant, selon nos informations, ce dossier reste jusqu’à présent sans réponse et semble être laissé dans les tiroirs du ministre Kéamou Bogola Haba, qui tarde à mettre en application cette décision.
Pour permettre au CNJ-G de fonctionner, une ligne budgétaire d’un montant de 1 milliard de GNF a été allouée à la structure dans la Loi de finances rectificative (LFR 2024), en accord avec le ministre du Budget, d’après un rapport du CNT que nous avons pu consulter.
Selon les responsables du CNJ-G, ces dysfonctionnements compromettent sérieusement les attentes de la jeunesse guinéenne, qui voit dans le Conseil un moyen de se fédérer autour d’un idéal commun. Ce projet inclut notamment la mise en place d’une plateforme regroupant les jeunes issus d’organisations de la société civile, de syndicats, d’organisations paysannes et professionnelles.
Après une année d’attente depuis la création du CNJ-G, perçue comme un acquis majeur de la transition, les responsables restent toutefois optimistes. Ils espèrent que le ministre de la Jeunesse et des Sports finira par répondre favorablement à leurs préoccupations, permettant ainsi à l’organisation de remplir pleinement son rôle. Celui-ci consiste à promouvoir l’autonomisation des jeunes et à encourager leur participation active à la consolidation de la paix ainsi qu’au développement durable de la Guinée.
Cela, conformément à la volonté du président de la transition qui a placé la jeunesse au cœur de sa gouvernance, une politique traduite d’ailleurs par la mise en place historique du premier Conseil national des Jeunes de Guinée, après seize ans d’échecs successifs.
Joint par notre rédaction pour obtenir sa version sur les accusations portées contre lui par le CNJ-G, le ministre de la Jeunesse et des Sports, Kéamou Bogola Haba, nous a orienté vers la Direction nationale de la jeunesse et des activités socio-éducatives de son département.
Dans sa réaction, le directeur national de la jeunesse, Ibrahima Kalil Kourouma, a reconnu les préoccupations soulevées par le CNJ-G et les difficultés auxquelles les membres du bureau font face depuis la mise en place de l’organisation. Il a expliqué les dispositions prises par le ministère de la Jeunesse et des Sports pour résoudre ces problèmes, en priorité la dotation du CNJ-G d’un local.
“Le ministère a écrit officiellement à la Direction générale du patrimoine bâti pour l’acquisition d’un local devant servir de siège au Conseil national des jeunes”, a-t-il expliqué, tout en confirmant qu’une ligne budgétaire a été créée dans la LFR 2024 pour permettre au Conseil de fonctionner.
S’agissant du décret de reconnaissance, Ibrahima Kalil Kourouma indique que, puisque le Conseil a été mis en place à l’issue d’un processus transparent, la question de sa légitimité ne se pose plus.
Le directeur national de la jeunesse demande aux jeunes de reconnaître les efforts fournis par les autorités et appelle à la patience. Il rassure toutefois que toutes les dispositions sont en train d’être prises pour doter le Conseil des moyens nécessaires à la mise en œuvre de sa politique.
“C’est bon de critiquer, mais il faut reconnaître aussi ce qui a été fait. Ce que nous voulons, c’est que le Conseil soit dans les meilleures conditions pour pouvoir dignement représenter la jeunesse guinéenne lors des rencontres africaines et internationales. C’est vrai que l’on peut parfois être pressé de faire avancer les choses, mais lorsqu’il s’agit de l’État, il faut suivre le rythme”, a-t-il conclu.