Coordinateur des fédérations de l’intérieur de l’Ufdg, député uninominal de Labé. le député Cellou Baldé revient, dans cette interview, sur la répression de la manifestation de l’antenne du Fndc à Nzérékoré. Il tient la mouvance présidentielle, Alpha Condé, en premier, responsable des violences qui découlent de la violation de la Constitution. M. Baldé aborde d’autres sujets, entre autres, la procédure de recrutement d’un nouvel opérateur technique par la Ceni «en violation du Code des marchés publics», son altercation avec le gouverneur de Labé suite à l’assassinat de Boukariou Baldé et l’affaire de l’imam Nanfo Diaby.
Guinee360.com: La manifestation des membres du Fndc à Nzérékoré le jeudi 13 juin 2019 a été réprimée par les forces de l’ordre. Quelle est votre réaction?
Cellou Baldé: C’est une situation déplorable qui ne devrait pas arriver dans un Etat de droit. Cette situation a été occasionnée par les autorités, notamment, le gouverneur et le préfet qui avaient tenu des déclarations incendiaires pour dire qu’ils n’accepteraient pas que l’antenne locale du Fndc mobilise ses partisans pour dire non à la violation de la Constitution. Cela a été agrémenté par les déclarations incendiaires de l’honorable Amadou Damaro Camara qui a appelé à traquer les membres du Fndc jusqu’à leur dernier retranchement. Je crois que c’est tombé dans des bonnes oreilles à Nzérékoré. Aussi bien dans les oreilles des autorités administratives, mais également au niveau des forces de défense et de sécurité. Nous avons tous observé comment ils ont réprimé cette manifestation qui se déroulait pacifiquement pour dire non à une nouvelle Constitution.
La première victime du 3e mandat est tombée à Nzérékoré qui est une région mosaïque. Les violences semblent avoir pris une connotation ethnique. N’est-ce pas que la situation est source d’inquiétude?
Que ce soit à connotation ethnique ou bien que la répression soit organisée sans connotation ethnique, elle constitue une source d’inquiétude dans la mesure où jusqu’à présent les forces de défense et de sécurité ont du mal à se démarquer de l’esprit partisan et rester républicaines. La gouvernance d’Alpha Condé fait toujours l’acte dans l’amalgame, la manipulation, la délation et le mensonge. Le gouvernement voudrait que cela soit perçu comme un affrontement entre des communautés ethniques, alors que rien n’en est. C’est un combat citoyen qui est en train d’être mené par l’ensemble des forces vives. C’est ce qui fait que le leadership est porté par des acteurs de la Société civile. Mais, nous n’allons pas tomber dans cette confusion que veut entretenir le pouvoir de M. Alpha Condé.
Le chef de l’Etat avait appelé à un affrontement. Ne sommes-nous pas en train de récolter les conséquences de son discours?
Malgré les tôlés qu’il y a eu autour de son discours incendiaire, le président de la République ne s’est jamais rétracté. Il avait affirmé ôter le manteau de président pour porter le manteau de militant en appelant à l’affrontement. Le député Kamissoko qui a présidé l’assemblée générale du RPG, ce samedi 15 juin, a demandé au chef de l’Etat de leur accorder une recréation pour qu’il y ait de la violence. Il a également accusé le Fndc et une partie de l’armée d’organiser un coup d’Etat en Guinée avec l’appui des structures qui sont à l’étranger. Voilà des propos graves et belliqueux. On assiste aux conséquences de l’appel à l’affrontement lancé par Alpha Condé et notamment d’Amadou Damaro Camara, le député Kamissoko et le très arrogant Bantama Sow.
Alpha Condé avait également accusé nommément Abdourahmane Sano de la Pcud d’avoir tenté de déstabiliser son régime. Qu’en pensez-vous?
Pour nous, cela veut dire que le pouvoir est aux abois. Le Rpg et le gouvernement sont dans l’inquiétude. Ils savent pertinemment que le peuple de Guinée est hostile à une nouvelle Constitution. Le pouvoir est en train de s’égarer. C’est des signes de fin de règne palpables. C’est la panique totale à bord et ils se demandent ce qu’ils doivent faire en termes de stratégie parce que le peuple n’en veut pas.
La Ceni a déjà lancé une procédure de recrutement d’un cabinet d’ingénierie. Est-ce qu’elle vous a associés?
Nous n’avons pas été associés et nous l’avons dénoncé. Nous avons dénoncé la procédure qui est illégale et viole systématiquement le Code des marchés public. Avec un marché aussi important pour une activité aussi sensible, on ne doit pas recourir à la consultation restreinte sans s’entourer d’un certain nombre de dispositifs. Notamment, demander une dérogation au niveau du marché public. La Ceni s’est enfermée dans une opacité totale, nous n’avons ni de près, ni de loin été associés. C’est à travers la presse que nous avons appris que la Ceni a lancé un appel d’offres. Alors qu’au sortir de la retraite de Kindia (du 1er au 6 mai 2019, ndlr), la Ceni avait dit qu’elle allait créer un comité inter-partis qui permet de mettre la Ceni en face des acteurs du processus électoral, notamment, de l’opposition politique pour qu’on discute des étapes clés. Le recrutement d’un nouvel opérateur est une étape cruciale parce que tout le reste du processus dépend de la révision et de l’assainissement du fichier électoral sur la base des recommandations fortes des experts qui ont audité le fichier. L’opposition politique a dénoncé la procédure et la nouvelle orientation prise par la Ceni de s’entourer d’une opacité pour dérouler le chronogramme des élections législatives.
Quelle a été la réponse de l’Agence de contrôle des marchés publics à votre plainte?
Il n’y a pas eu de réponse. Ils estiment que nous ne sommes pas parmi les parties prenantes susceptibles de demander l’annulation de la procédure parce que nous ne sommes pas des postulants.
Qu’est-ce que vous dénoncez dans la procédure?
La Ceni a adressé une demande de proposition à 9 sociétés pour qu’elles préparent leurs offres. Sur quelle base ils ont fait la soft liste? On lance un avis d’appel d’offres ouvert ou un appel à consultation restreinte pour intéresser les gens au travail que vous avez à faire. C’est sur cette base qu’on choisisse parmi les entreprises intéressées par le travail. Si on décide d’aller à la consultation restreinte avec les dérogations accordées par les Grands projets, c’est en ce moment qu’on adresse les propositions aux entreprises soft listées. On ne sait pas d’où Kebe (président de la Ceni, ndlr) a sorti les 9 entreprises. Donc, nous dénonçons cette procédure parce que nous n’avons pas été associés.
Mais, n’avez-vous pas des commissaires à la Ceni?
Il y a un tôlé au sein de la Ceni parce que les commissaires n’étaient pas d’accord parce que nous avons des informations qui nous vient de la Ceni. La neutralité d’un commissaire c’est de ne pas agir pour des intérêts partisans, mais pour l’intérêt du pays. Depuis Kindia, nous avons suivi que les deux derniers jours il n’y avait pas eu d’activités parce que les commissaires de l’opposition n’étaient pas d’accord quant au schéma opérationnel proposé par la Ceni pour la mise en œuvre des recommandations. Cette fois-ci encore, on a été informé qu’il y a eu une plénière au cours de laquelle ils ont discuté des modalités pratiques de lancement de l’appel d’offres. Quand Kebe a compris que les commissaires n’étaient pas dans la posture de l’accompagner dans son envolé solitaire, il s’est envolé à Paris et le reste de la procédure, il l’a conduit à distance.
Vous avez été convié à l’ouverture des plis le 10 juin. Que s’est-il passé?
Tous les partis de l’opposition guinéenne signataires de la déclaration de Kindia et qui ont animé la conférence de presse le 12 juin passé n’ont pas été à l’ouverture des plis. Nous dénonçons la procédure, donc, nous ne pouvons pas la cautionner. Je crois qu’ils ont constitué une commission de 5 personnes dont 3 de l’Autorité de régulation des marchés publics (Armp) et 2 de la Ceni pour évaluer les offres et à l’issue choisir une société. Nous avons fait savoir que nous ne reconnaitrons pas la société qui sera choisi à l’issue d’une procédure illégale et opaque.
Qu’est-ce que vous voulez?
Nous voulons que la procédure soit suspendue et que les règles de procédure de passation des marchés publics soient respectées. La Ceni est certes l’organe chargé d’organiser toutes les élections et référendums en Guinée, mais elle ne les organise pas pour elle, mais pour nous autres parties prenantes, notamment, les partis politiques.
En cas de reprise de la procédure, cela ne risque-t-il pas de retarder encore d’avantage la tenue des législatives?
C’est souvent l’argument fallacieux utilisé par la mouvance. J’ai suivi Damaro qui ne connait pas grand-chose du processus électoral. Si la procédure est reprise elle n’entachera en rien la tenue des élections. Autant, il est impératif d’aller aux élections pour avoir une nouvelle Assemblée nationale par rapport au déficit de légitimité que celle dont le mandat est prorogé. Aujourd’hui c’est un impératif d’agir dans la transparence, de respecter les règles et procédure pour qualifier davantage le processus électoral de notre pays et donner de la crédibilité au fichier électoral. Sur les 77 recommandations du comité d’audit du fichier, 44 concernent l’inscription des électeurs, la base des données. Les recommandations fortes demandent à ce que tous les électeurs repassent devant les Carles pour confirmer ou compléter leurs données alphanumériques ou biométriques afin d’être maintenus dans le fichier électoral. L’objectif de la Ceni c’est de garder le dispositif acquis de la fraude électorale par la mouvance présidentielle pour les prochaines élections.
Conviendrez-vous qu’il n’est pas possible d’organiser les législatives en 2019 sans faire glisser la présidentielle?
C’est un impératif d’aller aux élections, mais avant, il faut que tous les préalables qui concourent à la transparence du processus soient réunis. La Ceni a proposé un chronogramme de 235 jours à partir du déclenchement de la première opération sans nous dire la date. C’est à la Ceni de nous dire s’il va y avoir élection ou pas. A l’allure des choses, ma conviction personnelle, il va être difficile d’organiser des élections crédibles, transparentes d’ici décembre. Depuis 2015, il n’y a pas eu de révision ordinaire des listes électorales. Nous avons eu 4 générations qui ont eu 18 ans. Il y a la mise en œuvre des recommandations de l’audit du fichier. Nous rentrons dans les saisons pluvieuses. Est-ce que c’est au mois d’août que nous allons demander aux électeurs de revenir devant la machine pour confirmer ou compléter leurs données. Généralement, on s’est toujours passé des mois juillet et août pour faire la révision dans notre pays. Voilà des raisons qui nous font dire que de façon objective, il va être difficile d’aller aux élections d’ici la fin de l’année 2019. Le dernier mot revient à la Ceni. Mais, on peut bien avoir les législatives entre janvier et mars 2020 sans que cela n’impacte la tenue des élections présidentielles parce qu’en ce moment, on aurait réglé tous les préalables liés au fichier. La question ne se pose pas, on ne pourra pas faire glisser le mandat du président de la République. Ce n’est pas possible.
Quel est votre avis par rapport à la prière en langue maninka à Kankan?
Je suis certes musulman, mais je vais laisser le soin aux religieux de réagir. Il y a eu la réaction du premier imam de la grande mosquée et également de l’inspecteur régional des affaires religieuses de Kankan. D’après les informations que j’ai reçues, pour prier il faut le faire dans la langue dans laquelle e Coran est descendu et c’est la langue arabe. Pour moi, c’est quelque chose de condamnable et vraiment du fanatisme.
Qu’en est de l’altercation entre vous et le gouverneur de Labé, Madifing Diané?
C’est toujours dans la volonté de la gouvernance d’Alpha Condé de museler ceux qui parlent au nom du peuple. Moi, je n’ai fait que dénoncer la descente musclée des forces de l’ordre au niveau du centre universitaire de Hafia qui s’est soldée par l’assassinat du jeune Boukariou Baldé, battu à mort. Les premières déclarations faites par les autorités de la ville sur la circonstance dans laquelle le jeune a été tué étaient des mensonges. Ils faisaient état de jet de pierre entre étudiants c’est toujours dans la délation. Il parait que le président de la République a appelé le gouverneur pour lui faire des reproches par rapport à la gestion catastrophique de cet incident. J’ai eu un entretien avec Madifing Diané dans son bureau. Finalement, il s’est permis d’aller à une rencontre qu’il avait avec les enseignants pour s’attaquer à ma personne. J’ai réagi pour dire que tout le monde connait Madifing Diané. Quand on évoque son nom, on connait les souvenir que cela donne à l’ancienne génération et à nous-mêmes. Je l’ai invité à ôter le manteau de policier et a porté le manteau d’administrateur territorial. Je l’ai rappelé que son prédécesseur, Sadou Kéita qui avait fait 7 ans à Labé, nous avons réglé la plus part de nos différends par le dialogue et la concertation.
Que vous a-t-il dit le jour de la fête de ramadan?
Il m’a juste dit qu’on va prier avec le cœur. Après, il m’a dit que tout ce qui se raconte sur les réseaux sociaux ce n’est pas cela la vraie version des faits. Il prétend m’avoir dit que je vais mener une vie amère, je dis que c’est un mensonge, il me l’a jamais dit parce qu’il me connait suffisamment. S’il me l’avait dit, ma réaction n’allait pas nous permettre de faire la prière.