Alors que le président en exercice de la Cedeao a entamé des consultations avec les acteurs sociaux et politiques guinéens afin d’initier un cadre du dialogue inclusif qui pourrait être délocalisé dans un des pays de la sous-région, le président de la transition guinéenne, Colonel Mamadi Doumbouya, a pris les devants pour l’application des recommandations issues du dialogue boycotté par les principales formations politiques. Qui du président Umaru Sissoko Embalo et du colonel Doumbouya aura le dernier mot ?
Dès après son élection à la tête de la Cedeao, en juillet 2022, le président bissau-guinéen a exprimé sa farouche opposition à la longévité des transitions militaires appelant ses pairs à y mettre un terme. A l’annonce de la durée de 36 mois par le Cnrd, Embalo est venu à Conakry pour obtenir de la junte guinéenne une réduction du chronogramme. « J’ai été à Conakry avec le président de la commission de la Cedeao pour faire comprendre à la junte militaire la décision du sommet des chefs d’État que la transition ne peut pas dépasser les 24 mois. Eux avaient proposé 36 mois. On a réussi à les convaincre », avait-il déclaré sur RFI suscitant la colère des autorités guinéennes.
« Nous avons constaté avec étonnement et exaspération la nouvelle sortie de l’amuseur public de Bissau, un guignol dans le manteau d’homme d’État », avait réagi le Premier ministre Bernard Goumou.
En marge de l’assemblée générale de l’Onu, en septembre, le président Embalo a réussi à convaincre ses pairs à tenir la réunion ordinaire de la Cedeao à Washington. A l’issue de laquelle réunion, les chefs d’Etats ont annoncé des sanctions progressives contre la junte guinéenne. « En imposant à ses pairs la tenue de ce sommet en dehors de son espace géographique, son leadership aura permis de donner l’occasion aux autres de ne pas nous prendre au sérieux à moins que ce ne soit son objectif », avait fustigé colonel Amara accusant le président bissau-guinéen « des manœuvres pour faire prévaloir le candidat de son choix à une future présidentielle guinéenne » et qualifie de “mensonge grossier” les affirmations sur un engagement quelconque de la junte à une transition limitée à 2 ans.
En dépit de leur ‘‘semblant d’intransigeance “, le CNRD a fini par se soumettre aux exigences de la Cedeao en acceptant les 24 mois proposés par la mission technique. Au-delà, il a demandé à l’institution sous régionale de lui fournir l’appui technique et financier nécessaire pour la mise en œuvre du chronogramme de 24 mois.
Délocalisation du cadre du dialogue
Face au boycott du cadre de dialogue inter-guinéen par les plus grandes formations politiques du pays, la Cedeao propose la délocalisation du dialogue dans un des pays de la sous-région. Cette proposition a encore irrité la junte guinéenne invoquant la souveraineté nationale partant l’impossibilité de délocaliser le cadre du dialogue.
C’est dans ce sillage que le président en exercice de la Cedeao a initié des consultations avec les acteurs sociaux et politiques guinéens. Une première rencontre a déjà eu lieu à Bissau entre le président Embalo et une délégation de la troïka et du Fndc conduite par Cellou Dalein Diallo.
Craignant d’être mis devant le fait accompli, dès le lendemain, le président de la transition guinéenne a créé un comité en charge de l’application des recommandations du cadre du dialogue inter-guinéen placé sous l’égide du Premier ministre, Bernard Goumou.
Pendant ce temps, la crise sociopolitique guinéenne s’enlise davantage. L’inter-coalition soutient n’être pas concernée par les conclusions du dialogue auquel elle n’a pas participé.
Colonel Mamadi Doumbouya va-t-il à nouveau faire une marche arrière face à l’intransigeance du président Umaru Sissoko Embalo ? Seul l’avenir nous le dira.