Dans un entretien accordé à Africa 24, le ministre guinéen de l’Économie et des Finances, Mourana Soumah, a détaillé les ambitions économiques du pays, centrées sur le méga-projet minier de Simandou. Au-delà des promesses de croissance, il défend une vision de transformation structurelle fondée sur l’agriculture, l’éducation et le capital humain. Un pari audacieux pour un pays confronté à un déficit de financement massif.
Mourana Soumah, ministre de l’Économie et des finances, déroule une feuille de route économique aussi ambitieuse que stratégique. Au cœur de cette vision : le projet Simandou, présenté comme un levier décisif pour sortir le pays de la malédiction des ressources et enclencher un développement inclusif. « Ce n’est pas des mines pour des mines », insiste-t-il, « mais des mines pour transformer la Guinée».
Avec un investissement prévu de 20 milliards de dollars pour la phase de construction, le projet Simandou pourrait faire bondir le PIB de 26 % d’ici 2030.
Pour Mourana Soumah, il s’agit d’un tournant historique. En plus des revenus fiscaux attendus (près de 2 milliards USD par an) et des dizaines de milliers d’emplois annoncés, Simandou intègre un dispositif inédit : l’« Academy Simandou », qui captera 20 % des recettes pour former une nouvelle génération de cadres. « Les mines vont finir, mais ce qui restera, c’est l’investissement dans le capital humain », prévient-il.
Le ministre affiche une croissance économique « stabilisée » autour de 5,3 % ces trois dernières années, avec un pic de 6,1 % en 2024, et table sur 7,1 % pour 2025. Des chiffres validés par le FMI, dit-il, et largement tirés par le secteur minier. Mais cette dépendance demeure une faiblesse. Pour y remédier, la Guinée cherche à renforcer ses chaînes de valeur agricoles, avec le soutien de la Banque africaine de développement et de la Banque mondiale. Un financement de 700 millions de dollars a déjà été obtenu, dont une partie en dons.
Malgré les discours volontaristes, le pays fait face à un déficit annuel de financement de 1,125 milliard de dollars, auquel s’ajoutent 1,39 milliard pour répondre aux défis climatiques d’ici 2030.
Une double pression qui oblige l’Etat à rassurer les investisseurs. Le ministre met en avant les efforts de moralisation de l’administration et les avancées dans le classement Doing Business. « L’indice de perception de la corruption baisse d’année en année », assure-t-il, citant la mise en place de la CRIEF (Cour de répression des infractions économiques et financières) comme gage de sérieux.
Tout au long de l’entretien, Mourana Soumah répète à l’envi le rôle central joué par le général Mamadi Doumbouya, président de la transition. Chaque initiative – du projet Simandou à la réforme de l’agriculture – est placée « sous la houlette » du chef de l’État. Un vocabulaire qui illustre la personnalisation du pouvoir économique sous la junte, et interroge sur la pérennité de cette vision une fois le régime de transition terminé.