De l’augmentation du prix du carburant au contentieux électoral en passant par l’adoption d’une nouvelle loi sur la Ceni, le président du Bloc libéral (BL) donne son point de vue. L’opposant Faya Milimouno estime qu’il faut réformer l’éducation guinéenne après les résultats catastrophiques enregistrés aux examens nationaux. Faya Milimouno s’est aussi prononcé sur le cas du général Sékouba Konaté. Interview !
GUINEE360.COM: Comment analysez vous la situation sociale suite à l’augmentation du prix du carburant ?
Faya Milimouno : Nous risquons gros dans ce bras de fer parce qu’en tant que parti politique lorsque nous avons appris que le gouvernement a décidé d’augmenter le prix du carburant à la pompe, nous étions choqués. Nous avions condamné et promis d’être aux côtés des forces sociales pour mener le combat pour la diminution du prix du carburant a 8000 Gnf. Devant l’Assemblée nationale, le Premier ministre a dit qu’il avait comme priorité des priorités la lutte contre corruption, la gabegie financière. S’il s’était orienté dans ce sens, je crois que tous les guinéens seraient avec lui aujourd’hui. L’augmentation du prix du carburant c’est donc le contraire de ce qu’il devait faire. Nous avons dit au président de la République que la Guinée n’a pas besoin de 35 ministres, de 30 conseillers avec rang de ministre. Il faut diminuer le train de vie de l’Etat. La Guinée a besoin d’un gouvernement restreint composé d’hommes et de femmes compétents, intègres et expérimentés pour faire le travail du peuple. Il faut diminuer le train de vie de l’Etat, les dépenses de souveraineté, le parc automobile.
Beaucoup prédisent l’échec du syndicat face au gouvernement. Quelle votre avis?
Si nous avons un message à faire passer par rapport à cela c’est de demander à tous les guinéens que les gens ne s’assoient pas à distance pour dire que la société civile et syndicat vont échouer. Ce n’est pas un problème de syndicat ou de la Société civile. C’est tout le monde qui devait se mettre dans la danse pour obliger le gouvernement a revenir sur cette décision.
La grève générale perlée déclenchée depuis plus de 2 semaines par l’inter-centrale Cntg-Ustg n’a pas amener le gouvernement à diminuer le prix du carburant. Quelle est la stratégie à adopter pour éviter l’essoufflement du mouvement ?
Il faut de la détermination. J’avais appelé certains collègues de l’opposition quand je devais sortir participer à la manifestation des forces sociales, j’ai dit qu’on devait tous être dans la rue. Nous faisons beaucoup de manifestations pour les élections, le fichier électoral, la Ceni etc. Mais s’il y a une manifestation qui vaut la peine d’être soutenue c’est celle qui concerne le guinéen lambda. Il y a aujourd’hui des guinéens qui ne peuvent pas se payer un repas par jour. Donc si tout le monde ne se mobilise pas, le gouvernement est en train de tester la capacité de réaction des guinéens face à l’inacceptable.
Peut-on s’attendre à la participation de l’opposition dans les prochaines manifestations des forces sociales?
Je ne parlerai pas de l’opposition dans son ensemble, mais le BL pour être logique avec elle-même, étant donné que nous avons promis aux guinéens que nous ferons la politique autrement, nous serons là. (…). J’invite le gouvernement à ne pas prêter le flanc pour que nous rentrions dans un tourbillon qui peut fatiguer tout le monde.
Le gouvernement a annoncé l’installation partielle des conseillers locaux dans 330 communes en attendant de régler le contentieux électoral dans les 12 autres. Qu’en pensez-vous?
C’est malheureux pour les populations parce que les collectivités souffrent aujourd’hui. Il n’y a pas de service adéquat, pas de financement et pas de subvention parce que nous n’avons personne de légitime. Le vœux des uns et des autres ce que nous puissions très rapidement installer les conseillers communaux qui vient d’être élus en procédant à l’élection des exécutifs. Nous souhaitons que des corrections soient apportées et qu’on installe globalement tous les conseillers communaux. Si nous avons des conseillers communaux installés en 2 temps ce qu’ils n’auront plus le même mandat. On n’a pas besoin d’être patriote pour se rendre compte que ce n’est pas faisable. Quand j’ai écouté le ministre Boureima Condé parler de ça, après réflexion, j’ai dit qu’il a peut être raison parce que tout le monde est en train de taper sur le gouvernement pour la hausse du prix du carburant, il faut donc créer une diversion quelque part.
Qu’est ce qui a prévalu au report de la marche que vous aviez initialement prévue le 19 juillet ?
L’opposition est souvent présentée comme le monstre. Ce n’est pas le premier choix pour l’opposition que d’aller à la rue. C’est lorsque nous constatons qu’on est en train de violer la Constitution, les lois de la République et qu’il n’y a aucune volonté de dialogue c’est en ce moment que nous allons à la rue. Nous avons toujours donné la possibilité de comprendre que par le dialogue, on arrive à de solutions. Cela a été toujours le principe cardinal de l’opposition. Lorsque nous étions en réunion mercredi, il y a une lettre du Premier ministre d’abord pour accuser réception du mémorandum que nous lui avons adressé. Dans lequel mémorandum, nous avons détaillé tout ce qui concerne les contentieux non résolus actuellement, les accords politiques non respectés, les lois violées. Le Premier ministre a dit «revenez au Comité de suivi, je m’engage personnellement à agir pour que de solutions rapides, justes et équitables soient trouvées pour éviter une situation déjà trop tendue ». Entre nous, on a analysé la situation et on a pensé qu’il faut en tenir et on a décidé de repousser notre manifestation de quelques jours.
Ne pensez-vous pas avoir été dupé en acceptant la proposition du Premier ministre puisque par le passé, le chef de l’Etat a pris des engagements qu’il n’a jamais respecté?
Dans un pays normal où les dirigeants respectent leurs engagements quand le Premier ministre s’adresse à son opposition pour dire «je vous prie d’accepter de donner quelques jours au dialogue pour trouver de solutions aux problèmes qui se posent », ça devait être suffisant pour que l’opposition recule toute possibilité de manifestation. Si les gens nous posent cette question c’est parce que nous sommes en Guinée où la parole donnée n’a pas d’importance. J’espère que le Premier ministre ne va pas traverser avec le bâton qu’il aura trouvé dans la pirogue.
Que pensez-vous de l’adoption de la nouvelle loi sur la Ceni ?
Il faut mettre cela quand même à l’actif du Premier ministre parce que c’est des questions restées no résolues depuis très longtemps. Je dirai même qu’on a fait du Comité de suivi un machin inutile parce que les discussions en son sein énervent les gens, trop d’arrogance. Alors, de manière directe et pratique de contacts se font directement avec l’opposition et je crois que ça faut bouger les lignes. Et aujourd’hui, nous avons une loi sur la Ceni même si le BL est convaincu qu’elle est loin d’être celle que nous espérions avoir. Il y a quelques semaines c’était impensable qu’on parle l’audit et l’assainissement du fichier surtout avec l’implication à la fois des Nations unies et de l’Union européenne. On semblait privilégier l’Oif, mais mieux vaut avoir trois au lieu d’une seule personne autour de la table. Je dirai que c’est des avancées même s’il y a encore beaucoup de choses à dire par rapport à cela. Mais on ne peut ne pas reconnaître que c’est à l’actif du Premier ministre qui a travaillé avec l’opposition pour arriver à ça.
Que reprochez vous a la nouvelle loi sur la Ceni?
Toutes les recommandations qui ont été faites par les observations de nos élections depuis 2010 vont dans le sens d’une Ceni technique. Si vous lisez les accords, on parle de Ceni technique. La Ceni qu’on nous a produite et encore plus politique que celle que nous avions. Mieux, nous avons constaté de plus grave parce que cette Ceni est en train de voir ses compétences migrées vers le ministre de l’Administration du territoire. Combien de fois nous avons critiqué le fait qu’on a l’impression d’avoir deux paires d’urnes ? Il y a des urnes qu’on présente dans les bureaux de vote et il y a des urnes qu’on remplit qui rentrent en ligne de compte à zéro heure pour se faufiler dans les Cacv au détriment des vrais urnes. Maintenant, on donne au voleur la possibilité de garder le coffre. C’est grave et dangereux et cela pourrait nous ramener à la case du départ parce qu’il semble que «le matériel lourd» comme on l’a appelé lans la loi, les urnes, les isoloirs, devait être fourni par le ministère de l’Administration du territoire.
Est-ce que vous n’êtes pas en train de critiquer cette loi à cause des critères établis qui vous défavorisent à savoir la participation aux 2 dernières élections nationales et avoir au moins deux députés au Parlement?
Les gens pensent que nous critiquons parce qu’il y a ces fameux critères qui mettent hors-jeu certains partis politiques comme le BL. Nous ne critiquons pas cette loi à cause de ça. Depuis que le BL a été créé jusqu’aujourd’hui, on n’a pas des représentants à la Ceni. Mais le chemin que nous avons parcouru, il y a des partis qui sont à la Ceni, nous avons fait meilleur résultat qu’eux. Le problème n’est pas qui est à la Ceni et qui ne l’est pas. Les lois ne devaient pas être écrites en regardant le front de gens. Notre souci principal ce qu’on n’a pas vu l’intérêt de la République. Comment allons nous construire des institutions qui vont nous survivre ? Quelles sont les valeurs que nous allons promouvoir?
Quelle est votre analyse des résultats des examens nationaux ?
A chaque fois que je vois les résultats des examens, je me pose beaucoup de questions. Naturellement, il faut féliciter ceux et celles qui sont admis. Nous félicitons aussi les parents et les enseignants qui ont contribué à ce succès. Tout en encourageant ceux qui ne sont pas admis en leur demandant de redoubler d’efforts, nous sommes interpellés lorsqu’à un examen national, on dit que 80% des candidats ont échoué ça doit inquiéter parce que c’est l’avenir qui est en jeu. On doit plutôt nous battre pour que nous ayons de succès de 80%. Chez nous on a tendance à mettre l’échec au compte de l’enfant seulement. Nous sommes dans un travail relationnel dont le résultat n’est pas seulement le fait d’un individu. L’enfant apprend quand il y a un enseignement. Quelle est la qualité de cet enseignement et de celui qui enseigne ? Selon quelle méthodologie ? Quel programme enseigne t-on ? Dans quel environnement ? On sait que l’éducation est l’un des parents pauvres. Dans la Sous-région, la Guinée est l’un des pays qui financent moins l’éducation. L’argent qui est voté pour l’éducation, c’est un peu l’habitude dans notre pays, le budget n’est jamais à plus de 40%. Autrement, on dit 2 ou 3 mille milliards Gnf pour l’éducation. A peine 1000 milliards, strictement pour les salaires, pas d’investissements, pas des laboratoires, des ateliers, des bibliothèques. Il n’y a rien de tout ça. Vous voyez nos écoles, la première chose qui vous frappe ce qu’il faut les fuir. Il n’y a pas de peinture, pas de portes, de fenêtres, les latrines sont bouchées. Tant aussi longtemps que l’argent qu’on va voter pour l’éducation n’arrivera pas en classe, il n’y aura pas d’éducation. L’autre aspects ce qu’on a mis à la retraite tous ceux qui pouvaient encore bien donner l’enseignement. Il y en a qui ont été retraités à 55 ans et remplacés par de gens qui n’ont pas fait même un seul jour de classe de pédagogie. Ce n’est parce que quelqu’un peut construire une bonne phrase avec sujet, verbe et complément qu’il peut devenir un bon professeur de français. Ce n’est pas parce que quelqu’un peut bien résoudre une équation de second degré qu’il peut devenir un bon professeur des mathématiques, etc. La maîtrise de la matière n’est pas garantie aux enseignants qu’on est en train d’envoyer dans les classes. Ce sont des militants qu’on es en train d’envoyer dans l’éducation. Nous sommes aujourd’hui le pays qui a la moitié de la fonction publique composée d’enseignants dont près de 50% ne sont pas au service de l’éducation.
L’ancien président par intérim de la transition fait de plus en plus de sortie et critique ouvertement le chef de l’Etat qu’il taxe de menteur. Qu’en dites vous ?
Le général, après son passage à Addis-Abeba, ses ennuis aux États-Unis, son passage éclair au Maroc où il ne devait plus aller, il devait aller au Congo et il a atterri en France. Je ne sais pas bien quel est son statut en France. Mais je crois qu’on pourrait penser à quelqu’un qui avait besoin de certaine protection. A pareilles circonstances, on est soumis à une certaine réserve. Mais si le général parle, je crois que même les autorités françaises approuvent qu’il parle. On voit que le général est déçu et on voit un certain regret dans ses déclarations. Les déclarations du général nous apprennent que la corruption n’a jamais été loin de la Guinée. Il y a que nous apprenons et qui révoltent. Revenons en 2010 où, à un moment donné, on nous avait dit que le second tour ça serait Sidya Touré et Cellou Dalein Diallo et par après, Cellou Dalein et Alpha Condé. J’entends Tibou tantôt faire de commentaire comment ils ont fait l’arbitrage. Ce n’est pas là-bas que l’arbitrage devait être fait. C’est la Ceni qui devait proclamer les résultats et à la Cour suprême, à l’époque, de les certifier. S’il y avait eu un arbitrage quelconque au niveau de la Présidence de la République, ça sortait carrément du cadre constitutionnel et légal. Tout ce que les acteurs, témoins clés disent nous révoltent parce que ça nous montre que nous sommes dans la forfaiture. Mais, ils ne peuvent pas nous convaincre parce qu’aussi important qu’étaient ces personnages, il ne leur revenait pas de proclamer les résultats. A part les invectives envers le président pour dire qu’il n’y aura pas de 3e mandat, mon focus c’est comment la Guinée a négocié le tournant de 2010. J’ai trouvé que c’était dans la forfaiture.
Réalisée par Abdoul Malick Diallo