Ali a 16 ans et vient de Guinée-Conakry. Arrivé il y a un peu plus de 15 jours à Paris, il n’a pas encore réussi à faire reconnaître sa minorité. Sans prise en charge, sans réseau, il peine à se débrouiller, et notamment à trouver un logement, à l’heure où les températures se refroidissent. Il raconte.
Ali – le prénom a été changé – vient de Guinée-Conakry. Il est arrivé à Paris au début du mois de janvier 2021 après avoir traversé le Mali, le Maroc et l’Espagne. Seul, sans papiers d’identité, sans réseau et sans communauté à rejoindre, il erre dans le nord de la capitale française depuis une quinzaine de jours. Il attend son acte de naissance envoyé depuis son pays d’origine pour demander le statut de mineur et être protégé par l’Etat.
Pour cet adolescent qui n’a jamais quitté son pays, Paris, en hiver, est une épreuve. Ali peine à trouver de quoi se vêtir, se nourrir, où se doucher. Et surtout, il ne sait pas où trouver un toit pour ne “pas congeler” dehors.
“Ca ne va pas. Vous vous rappelez quand il a neigé la semaine dernière [le samedi 16 janvier]? Je ne connaissais pas ça. En Guinée, c’est pas comme ça. J’ai pas l’habitude de tout ce froid : j’ai mal partout.
Cette nuit-là, avec la neige, on m’a donné une chambre d’hôtel, pour une seule nuit. Le lendemain, je suis reparti à la rue. La plupart du temps, je suis dehors, vers la gare de l’Est, sous une tente Quechua qu’une association m’a donnée.
Souvent, je n’arrive pas à dormir, j’ai trop froid. Quand ça arrive, je vais marcher, ça m’aide à décongeler. Sinon, mes pieds sont congelés. C’est compliqué les pieds, ici.
Il faudrait que je change de chaussures, je pense. J’ai une bonne paire de Nike, mais je les porte depuis trop longtemps, je pense. Elles me font mal maintenant.
Après la neige, il a continué à faire très froid. La nuit suivante, je suis allé dans un bus de nuit. Je prends n’importe lequel. Je monte dans le premier bus qui se présente pour avoir chaud.
Cette semaine, j’ai fait un test Covid, parce que j’avais mal au coeur, dans les poumons et parce que je tousse beaucoup. C’est MSF qui m’a envoyé dans une pharmacie dans le nord de Paris. Je suis content, le test est négatif. C’est vraiment une bonne nouvelle. J’étais très stressé par ça.
Je suis juste malade. C’est le climat qui dégrade mon corps. Mentalement, je ne vais pas très bien. Physiquement, non plus.
Tout ce dont j’ai besoin, c’est un endroit où rester, un endroit où dormir.
J’ai rencontré une avocate. Elle m’a aidée. Elle m’a dit d’attendre mon acte de naissance depuis la Guinée. Quand je le recevrai, je pourrai demander à être protégé, enfin c’est ce que je crois. Je pourrai avoir un endroit où dormir. Le plus dur, c’est ça : ne pas avoir un endroit où dormir en attendant de faire les procédures.
Ca fait trois semaines que je suis là. Le soir, je vais voir une association, je ne sais pas son nom, ils sont très gentils. Mais ils ne trouvent pas de places pour nous… Ils nous donnent des tentes.
Je sais que je ne suis pas prioritaire pour être logé dans les centres d’urgence. Il y a beaucoup de familles, d’enfants, c’est pas facile. Les associations doivent s’occuper de tous ces gens, avant moi.
La journée, je vais dans les locaux de MSF [Médecins sans frontières], dans le nord. Je peux avoir le wifi là-bas. C’est comme ça que j’arrive à vous contacter. A contacter ma famille au pays. Sinon, quand je suis pas là-bas, je marche toute la journée. Il n’y a rien à faire.
Les gens de MSF m’ont donné des caleçons et de chaussettes. Je les mets dans mes poches. Je ne sais pas où trouver des douches. Je ne sais pas trop non plus où trouver à manger en dehors de MSF.
A Paris, au tout début, je suis resté avec un groupe. C’était bien, puis ça s’est mal passé. Un matin, après avoir dormi à la gare de l’Est, je me suis réveillé et ils avaient volé mon sac, j’avais plein de papiers, de rendez-vous avec les gens de MSF.
Je n’ai pas demandé à MSF un nouveau sac à dos. Ca sert à quoi quand on n’a rien à mettre dedans ?
Actuellement je suis avec une seule personne, un jeune de mon âge, et j’ai confiance en lui.
C’est dur, parce qu’à la gare de l’Est, il y a parfois la police qui vient, donc on se cache, on attend qu’ils partent. Ils nous demandent souvent de pas rester là. Il y a des policiers très gentils et d’autres agressifs. Il y en a un qui a pris ma tente et qui l’a jeté à la poubelle.
Hier, la police nous a dit de partir. On a trouvé un autre coin un peu caché où il y avait des SDF mais ils n’ont pas voulu qu’on reste avec eux. Alors on est montés dans un bus.
J’ai un peu peur, maintenant. J’ai peur de mourir dans la rue. Personne ne peut résister au froid.”
Source: infomigrants.net