De l’avis du président du Bloc Libéral, les Guinéens doivent se lever pour mettre un terme aux “dérives du régime”. Faya Milimouno accuse le chef de l’Etat d’avoir “sciemment orchestré” le blocage des institutions notamment la Cour constitutionnelle pour s’offrir un glissement à défaut de pouvoir briguer un 3e mandat en 2020. L’opposant s’en prend aussi au député Damaro, «le plus grand ethno de tous les hommes politiques guinéens». Interview !
Guinee360: Quel est votre constat sur l’installation des conseillers communaux ?
Faya Milimouno: Le constat est lamentable et inquiétant. On n’a pas l’impression que nous sommes dans une République. On ne peut même pas décrire dans quel statut juridique on peut nous classer. Selon l’article 131 du Code des collectivités locales, lorsque l’élection communale est faite, il y a un arrêté du ministre de l’Administration du territoire pour convoquer la première session. Dans cet arrêté, il doit être fait mention s’il y a élection quels postes ainsi que la procédure comment l’élection doit être faite. Rien de tout cela n’est au rendez-vous aujourd’hui. C’est symptomatique de la gouvernance d’Alpha Condé. C’est de l’anarchisme.
Dans certains communes, les élus ont été installés notamment à Fria, Dinguiraye et Gueasso. Comment se sont déroulées les élections?
La loi dit que les gens sont élus le même jour et leur mandat finit le même jour. Alors qu’aujourd’hui, on est en train d’installer séparément. C’est-à-dire que partout où le Rpg Arc-en-ciel a des problèmes, on ne fait pas les élections. Nous ne sommes plus dans une République. C’est pourquoi, les Guinéens doivent comprendre qu’Alpha est dans la dynamique de bloquer le fonctionnement normal de la République pour s’inscrire dans la voie du glissement. Il a fait la démonstration avec les vieilles citernes à eau chaude et de gaz lacrymogène pour effrayer les populations. Pour Alpha Condé, la Guinée est son jardin et il en fait ce qu’il veut. La Constitution, les lois et les accords ne sont pas respectés. Il faut mettre un terme à sa gouvernance.
Des violences ont été enregistrées entre des militants de l’opposition et de la mouvance présidentielle à Lola précisément dans la sous-préfecture de Gueasso. Quelle est la situation qui y prévaut actuellement ?
Il y a déjà des blessés et il peut y avoir de morts parce qu’il y a l’impunité. Ce que nous vivons est suffisamment grave pour que chaque Guinéen se réveille, sinon c’est le chaos. Pour comprendre le cas spécifique de Gueasso, il faut remonter avant les élections. C’est une sous-préfecture où les urnes ont été déplacées à l’intérieur d’une autre sous-préfecture pour aller les remplir et les ramener à Gueasso. Dans un autre district c’est le colonel Dozo de la douane à Conakry qui avait vidé tous nos délégués et nos assesseurs. Nous avions contesté les élections à ce niveau. A Gueasso centre dans les districts 1 et 2, le sous-préfet, accompagné du maire sortant et des loubards ainsi que de la gendarmerie et de la police, a vidé tous les délégués du Bloc Libéral. C’est pourquoi nous avions contesté les élections à ce niveau. Notre contentieux n’a jamais été vidé par la justice de Lola. Et en fin de compte, à la suite des Accords, il a été convenu que la commune va être contrôlée par l’opposition. Nous avons 8 conseillers et l’Ufdg en a 2. Il n’y avait pas des listes indépendantes. Nous avons envoyé beaucoup de missions à l’intérieur du pays. La mission qui est partie à Lola a eu toutes les difficultés. Le préfet a refusé de viser l’ordre de mission de nos délégués. Il a fallu faire intervenir les cadres du ministère de l’Administration du territoire pour qu’il le fasse. Le jour que notre délégation est arrivée à Gueasso c’est dans le bureau du sous-préfet que des loubards sont venus attaquer la mission du BL sous l’œil des gendarmes et des policiers. Le chef de la mission qui est un vice-président du BL a reçu un coup violent qui l’a amené à l’hôpital. Il a fallu qu’on fasse venir nos militants au nombre de 150 à 200 pour faire une ceinture de sécurité autour de nos élus. C’est dans ce dispositif qu’ils ont passé la nuit. Le lendemain c’est ce dispositif qui a assuré leur sécurité jusqu’à la mairie.
L’accord du 8 août avait prévu que c’est l’opposition qui allait désigner le maire de Gueasso. Qu’est-ce qui s’est passé ?
Damaro (Amadou Damaro Camara président du groupe parlementaire le Rpg Arc-en-ciel, Ndlr) est le plus grand ethno de tous les hommes politiques de la République. Il est derrière tous les cas de violences interethniques qu’on connaît en région forestière. Il m’a appelé après que l’accord politique du 8 août ait été signé. Il m’a dit « c’est un problème ethnique et si vous changez le candidat que vous avez, nous pouvons accepter ». Je lui ai dit que ce n’est pas un don que vous nous avez fait, je m’en fous de question ethnique puisque ça n’a pas été un critère pour choisir notre candidat. Depuis lors, il ne m’a plus appelé. C’est le pouvoir qui a manipulé. Boureima Condé (ministre de l’Administration du territoire, Ndlr) et Damaro Camara sont directement responsables de ce qui s’est passé parce qu’ils sont tous les deux signataires des Accords.
Finalement, c’est le Rpg Arc-en-ciel qui a été proclamé vainqueur. Qu’en dites vous?
Quand nos délégués ont constaté que l’Accord n’était pas respecté, j’ai demandé à notre chef de mission de demander aux élus du BL et ceux de l’Ufdg de quitter la salle. Ils ont proclamé quelqu’un vainqueur, mais nous, ça ne nous concerne pas. Il n’y a pas eu élection parce que nous n’étions même pas dans la salle. C’est après ça aussi que les loubards sont venus se jeter sur notre délégation au domicile de notre candidat à la mairie. Ils ont défoncé le mur, cassé la main d’un des militants, arraché l’oreille à un autre et un autre est dans le coma. Pendant ce temps, le corrompu préfet de Lola dit sur les ondes de la Rtg qu’il ne sait pas s’il y a eu des incidents à Gueasso. Vous voyez jusqu’où la mauvaise foi existe dans cette République qui est en train de devenir voyou. Le problème de la Guinée est global. Il ne peut plus être résolu au cas par cas. Aujourd’hui, nous sommes à amener à éteindre mille feux à la fois. Avec les installations qui se font dans la pagaille la plus indescriptible, la Cour constitutionnelle qui est bloquée et on veut bloquer le fonctionnement des toutes les institutions. Et l’école qui n’ouvre pas parce qu’on a un gouvernement irresponsable dont les enfants sont à l’étranger. La Guinée est totalement bloquée. Quand vous avez un cancer, ne mettez pas du mercurochrome, il faut amputer. Alpha doit s’en aller.
Que comptez vous faire ?
Partout où les lois et les accords ne sont pas respectés, nous ne serons pas d’accord et nous ne reculerons pas. On ne peut plus résoudre les problèmes au singulier puisque c’est devenu global et c’est toute la nation qui est déstabilisée. Nous n’aurons pas d’Assemblée nationale dans quelques mois parce qu’on ne parle pas d’élections législatives. La Cour constitutionnelle qui doit valider les candidatures est déstabilisée. Alpha Condé continue de vendre les morceaux du pays aux terroristes à travers le pays. Avec l’argent dans les comptes en banque à l’étranger, pour lui, si ça dégénère, il prend l’avion et il s’en va. Il faut l’arrêter.
L’ouverture des classes est perturbée par la grève des enseignants depuis le 3 octobre. Quel est votre avis sur cette autre situation ?
En Guinée, les enseignants sont considérés comme des gens qui ne travaillent pas. Généralement, on demande, vous travaillez ou bien vous enseignez. Je suis de ceux qui pensent qu’avant de payer des primes ou des indemnités aux enseignants, il faut d’abord leur payer une salaire. Ce n’est pas l’aumône qu’on leur donne. Pour qu’ils exercent leur profession, il faut qu’ils soient traités de manière conséquente. C’est pour dire que le BL soutient l’action du Slecg. Par contre, le BL dénonce l’attitude irresponsable du gouvernement qui refuse de négocier. Un gouvernement qui refuse de négocier est irresponsable et ne mérite pas d’être maintenu. Il faut rappeler aux Guinéens que l’économie du 21e siècle ne repose pas sur les ressources minières, sinon nous en avons en abondance, mais sur la connaissance. Le peuple doit se lever. La source du problème est connu. C’est Alpha et son gouvernement. Faites-les partir, le début de la solution sera trouvée.
Réalisée par Abdoul Malick Diallo