Dans cette interview, le président du Parti des démocrates pour l’espoir répond aux questions, portant entre autres, sur la crise sociale, le contentieux électoral et l’adoption de la nouvelle loi sur la Ceni. Dr Ousmane Kaba donne aussi son analyse sur les résultats des examens nationaux.
Guinee360.com: Quel constat faites-vous de la situation sociale?
Dr Ousmane Kaba: L’augmentation du carburant était dans le programme négocié avec les institutions de Breton woods par l’ancien gouvernement. Bien avant l’arrivée de M. Kassory Fofana. Je pense que le véritable problème n’est pas l’augmentation du carburant. Le problème c’est le manque de dialogue qui a entouré l’opération. La Guinée n’est pas un pays producteur de carburant. Donc, c’est normal que le prix à la pompe suive l’évolution du prix à l’international. Maintenant, comment cela va se faire ? Quelle est l’ampleur de l’augmentation ou de la diminution parce qu’il faut aller dans les deux sens ? Habituer le public à la flexibilité des prix et à la sincérité des prix. En réalité, le gouvernement n’a jamais subventionner le carburant. C’est une source importante des recettes publiques qu’il faut préserver. Le gouvernement aurait bien fait de négocier avec le syndicat et les forces sociales. D’abord, pour expliquer le bien fondé de la décision avant la prise de la décision. Surtout pour travailler avec ces acteurs pour éviter la montée des prix en cascade sur l’ensemble du marché. Je crois que c’est ce travail qui n’a pas été fait et qui a été fait. Et ce travail a été perturbé par les différents mouvements que nous avons observés.
Vous semblez trouver raisonnable l’augmentation du prix du carburant ?
Je n’en sait rien. Je dis que le principe est valable. Maintenant, L’ampleur et les modalités devraient être négociées. Voilà ce que je dis. (Rires) ! Malheureusement, ça n’a pas été le cas. Surtout, il faut éviter que cette hausse ne se transmette mécaniquement sur l’ensemble des prix.
Vous dites que le gouvernement n’a jamais subventionné le carburant. Comment vous justifiez ça ?
Parce que la taxe sur le litre est de 3000 Gnf. Seulement, c’est cette taxe qui se rétrécit et qui s’était réduite à 1500 Gnf par litre. Les recettes de l’Etat se sont fortement réduites. Alors que ces recettes comptent beaucoup dans le budget de l’Etat. Voilà, c’est ça la vérité. D’une manière générale, j’ai regardé la structure des prix en juin c’est la recette de l’Etat qui s’était beaucoup rétrécie dans le budget prévisionnel, ces recettes comptent beaucoup. Donc, l’Etat est démuni dans ces conditions là. Je pense que c’est de choses qu’on peut expliquer beaucoup plus simplement et à faire admettre aux acteurs sociaux.
Mais, l’Etat avait le choix entre différentes sources des recettes ?
Holalaa! Il y a toujours plusieurs sources. Les économistes appellent ça : un « Trade-Off ». C’est un arbitrage que l’on fait entre différentes sources des recettes publiques.
Quelles sont ces sources des recettes publiques ?
Écoutez, je pense qu’il faut poser la question au ministre des Finances. (Rires).
Vous avez failli appartenir à ce gouvernement et vous auriez occupé ce même poste.
Oui ! Mais les négociations n’ont pas débouché parce qu’ils ont exiger la fusion de mon parti. Ce que j’ai trouvée surréaliste. J’ai toujours dénoncé la nouvelle manière de faire la politique en Guinée. Faire disparaître les partis. Au lieu que ça soit un regroupement de partis politiques pour qu’il y ait beaucoup plus des sensibilités dans le gouvernement. La nouvelle guinéenne en politique consiste à faire fusionner les partis. Je trouve que ce n’est pas une bonne approche.
Quelle piste de solution préconisez-vous face à la situation ?
Il s’agit de se retrouver autour de la table pour que les effets puissent être moindres sur tous les acteurs de l’économie nationale. C’est ça la bonne solution et c’est bien possible.
Si c’est possible alors qu’est ce qui rend la tâche si difficile ?
Je pense que c’est qui a rendu la tâche assez difficile c’est la gabegie qui s’est matérialisée lors des dernières élections. Ce quelque chose que j’ai toujours dénoncé. Lorsque les fonctionnaires, les directeurs des régies, les grands commis de l’Etat se mêlent de la politique avec à la clé la distribution des recettes publiques, évidemment ça fait mal à tous les acteurs politiques et le citoyens se sent flouer. Mon conseil serait le suivant : «à la prochaine élection que le gouvernement n’envoie pas des fonctionnaires avec de l’argent volé pour distribuer ».
A votre avis le gouvernement va-t-il diminuer le prix du carburant ?
Je n’en sais rien. Je ne me prononce pas sur ça parce que je ne connais l’état des négociations.
Nous allons maintenant parler maintenant de la nouvelle loi sur la Ceni Adoptée par l’Assemblée nationale. Désormais, pour siéger à la Ceni, il faut avoir participé aux deux dernières élections nationales et avoir au moins deux députés au Parlement. Quel est votre avis ?
J’ai voté contre la loi. Non pas à cause de la distribution des sièges entre les grandes forces politiques du pays. On peut, peut-être, critiquer ces critères, mais je pense que c’est légitime. C’est d’abord deux raisons : premièrement la loi n’a pas été discutée. Il y a eu une entente le Rpg et l’Ufdg. Ils nous ont distribués la loi qu’à la veille du vote. La loi a été votée sans qu’on ait discuté, ni en commission, ni en inter commission. Donc, il y a violation de procédure. C’est la raison pour laquelle j’ai refusé de voter cette loi. Deuxième raison, il y a crise électorale parce qu’il y a eu trop de fraude. Dans la nouvelle loi, il n’y a eu aucune provision contre la fraude. Or, c’est le vrai problème qui s’est posé en Guinée. Quand on veut faire une loi c’est pour corriger l’ancienne situation pour que dans le futur les élections soient irréprochables. Je pense que les deux grands partis qui se sont donnés la main, très bizarrement d’ailleurs, étaient plus préoccupés par contrôler la nouvelle Ceni que rendre les élections transparente. Voilà le problème.
Que comptez vous faire ?
La loi est déjà votée mécaniquement. Il y a une majorité présidentielle et le groupe parlementaire le plus important de l’opposition est l’Ufdg. Donc, quand les deux se donnent la main ce qui est d’ailleurs suspect et qui doit être suspect aux yeux des citoyens. Quand les deux se donnent la main, la loi est votée quelque soit, par ailleurs, les récriminations des députés non inscrits comme nous, on est pas nombreux malheureusement. Il y a certains qui ont parlé d’attaquer la loi à la Cour constitutionnelle, mais je pense pas que la loi soit anticonstitutionnelle. Je ne vois pas qu’elle est la disposition constitutionnelle qui a été violée. Je regrette simplement parce que j’ai l’intime conviction que cette loi ne va pas résoudre le problème d’élections en Guinée.
Que pensez-vous de la décision du gouvernement d’installer partiellement les conseillers communaux dans les circonscriptions ne souffrant pas de contentieux ?
En réalité, le Pades n’a pas de contentieux parce que nos requêtes n’avaient pas prospéré. A l’époque, nous avons dénoncé la fraude. Nous avons y recours à la justice. Dans une ville comme Kankan, Il n’y avait que quelques avocats commis d’office par le Rpg. Ce qui veut dire que la fraude était préméditée. C’est ce qui a empêché aux partis comme nous à déposer dans les formes les différentes requêtes. Et celles que nous avons déposées ont été annulées. Le président du tribunal de Kankan a dit clairement qu’on avait dépassé la date limite de dépôt des plaintes ce qui était faux.
Depuis quelques années, le gouvernement n’oriente plus des étudiants dans les universités privées sont vous êtes l’un des promoteurs. Qu’en est-il cette année?
C’est toujours très difficile de parler de ça. Je peux dire que c’est un non sens que de brimer le secteur privé dans un pays. C’est l’une des raisons qu’il y a énormément de chômage en Guinée. Je suis un économiste professionnel, je peux vous dire que d’une manière générale ce gouvernement réprime le secteur privé guinéen tandis qu’il veut faire un partenariat public-privé avec le secteur privé étranger. Ce qui est déjà une très grosse erreur de politique économique puisque le chômage va continuer à exploser. En ce qui concerne le secteur de l’éducation, on ne peut s’amuser avec dans un pays puisque c’est ça qui trace l’avenir. Cette année, en Guinée, nous avons 21 mille admis au Bac. En Côte D’ivoire tout près ils sont 112 mille admis au bac.
Mais, la Côte d’ivoire fait le double de la population guinéenne. Vous pensez que cela ne peut pas justifier l’écart entre le nombre d’admis entre les deux pays ?
Faites la comparaison. Est-ce que nous allons jeter les 80% de nos enfants en dehors du système scolaire ? Ce qui est, en soi, un échec sur l’ensemble de notre système scolaire et universitaire. C’est un point essentiel sur lequel tout le monde doit méditer. Il y a deux ans, le gouvernement a fait un rapport qui disait qu’il faut éteindre le secteur de l’enseignement supérieur privé. On oublie qu’il y a eu la naissance de l’enseignement supérieur privé du constat fait au temps du général Lansana Conté que l’Etat n’avait pas suffisamment d’infrastructures pour absorber la démographie estudiantine. Aujourd’hui encore, les mêmes problèmes demeurent. Que vous vous battez contre les universités privées, je peux ne pas partager, mais ça peut être rationnelle si, en même temps, vous investissez massivement dans les universités publiques. Malheureusement, on tue les universités privées et on investit que très modérément dans les universités publiques. Ce n’est pas seulement un problème des universités publiques c’est un problème de la nation guinéenne. Qu’est ce que nous pouvons faire de notre jeunesse ?
Vous êtes de ceux qui estiment que le taux d’échec élevé au bac a été voulu par le gouvernement a cause du manque d’infrastructures universitaires publiques pouvant accueillir un grand nombre d’étudiants?
Bien sûr puisque cela a été publiquement annoncé. Il a été dit qu’il faut éteindre les universités privées. Et comme tous les bacheliers sont boursiers de l’Etat, il suffit simplement de réduire leur nombre selon la capacité supposée des universités publiques. Même les 21 milles admis, les universités publiques auront du mal à les absorber. Aujourd’hui, tout le monde doit savoir que dans les universités publiques il n’y a que deux jours de cours par semaine. Ça veut dire qu’on est en train de tuer l’éducation supérieure de milliers de jeunes inscrits dans les universités publiques où la qualité de l’éducation laisse énormément à désirer. Tous ces dirigeants qui sont en train de tuer les universités privées en Guinée, eux, envoient leurs enfants dans les universités privées des autres pays.
Et vous, est ce que c’est ici que vos enfants étudient?
J’ai 6 enfants qui ont tous fréquenté d’abord l’école Koffi Annan et l’université ensuite.
Merci monsieur Kaba.
C’est moi qui vous remercie.
Réalisée par Abdoul Malick Diallo